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22/11/2013

Un soldat vendéen, Jean Le Tertre dit Mayence, et sa femme Perrine-Marie Rochard, infirmière des Vendéens

  Perrine-Marie Rochard fut reconnue par MM. les généraux de Bonchamps et autres des armées royales pour être la première dans l’hôpital de Cholet qui donna des soins aux blessés.
Elle naquit et fut baptisée à St Pierre de Chemillé le 6 juillet 1765. Fille de HH (honorable homme) Pierre Rochard, marchand-fabricant (soldat vendéen, il sera tué « dans les premières campagnes de la Vendée »), et de demoiselle Marie Leroy. Son parrain fut HH Pierre Rochard, marchand, de la paroisse de Thouarcé (Perrine était donc très probablement une parente de Rochard, le capitaine Vendéen de Thouarcé). Savait écrire.
   A Saint-Pierre de Chemillé où ils résidaient au moment de la révolution, les Rochard vivaient très « à leur aise », ils "possédaient une maison qui renfermait un mobilier considérable et un magasin de fer". La "maison fut et le fer employé pour les besoins de l'armée Vendéenne ». Les Rochard possédaient aussi, à Saint-Aubin-de-Luigné, quelques biens qu'ils perdirent pendant la révolution : "deux maisons (...) et plusieurs quartiers de vignes (ces vignes furent "anéanties par un campement très long »).
  Durant la première campagne Vendéenne, Marie Rochard avait déjà été employée à soigner les malades et blessés de l'armée vendéenne - Bondu, chevalier de la légion d'Honneur; Denay fils; Nassivet, etc – certifièrent à Chemillé le 24 décembre 1823, que Marie Rochard avait "rendu les plus grands services à l'humanité souffrante en prodiguant ses charitables soins aux braves et fidèles soldats blessés dans les combats des guerres royales de Vendée. elle a formé elle-même différents hôpitaux dans le Poitou et l'Anjou et (...) elle a toujours été attachée aux petits soins des blessés qui ont trouvé de grands secours dans ses soins et (.. ) la dite dame Letertre a supporté toutes les peines, fatigues et dangers de la guerre, et nous avons dans notre pays bien des hommes qui lui sont redevables de la vie par ses soins".
Nicolas Stofflet et le docteur Baguenier-Desormeaux
visitent l'hôpital de la forêt de Maulévrier
(Vitrail du Pin-en-Mauges)
  

Un document précise que Marie Rochard "resta à Chemillé avec sa mère, un frère et une sœur. Le frère fut tué au Mans et les trois femmes survécurent". Cependant, Bondu ; Denay fils; Nassivet; etc affirmèrent sous la Restauration, que Marie Rochard avait passé la Loire avec l'armée royale de la Vendée « pour prodiguer ses charitables soins aux braves et fidèles combattants vendéens qui ont fait de bon cœur le sacrifice de leur vie pour la cause sacrée de 1'autel et du Trône ».
   Plus tard, Marie Rochard "suivra" les "hôpitaux pour soigner les royalistes blessés". Un document précise encore qu'après "la fameuse déroute du Mans, (Marie Rochard) ne cessa de continuer ses soins aux malheureux fugitifs Vendéens qui erraient dans les bois et forêts". Pendant ce temps, ajoute le même document, "elle eut le malheur de tomber entre les mains des républicains qui la conduisirent dans les prisons de la ville de Nantes, d'où elle n'est sortie que par une protection particulière".
   A Chemillé, le 20 vendémiaire an 7 - jeudi 11 octobre 1798 - Perrine Rochard épousait Jean Letertre, cultivateur, 33 ans, demeurant à Saint-Mars-du-Désert (Loire-Inférieure), où il était né le 2 mars 1765. Il était le fils de Jean Letertre, laboureur, et de Louise Peloteau, demeurant à la Boissière en Saint-Mars-du-Désert.
Jean Letertre avait combattu en Vendée, dans l'armée du général de Bonchamps, puis, après la campagne d'outre-Loire (ou après la pacification de 1795 ? ) avait rejoint les chouans sur la rive droite de la Loire.
   Il servit d'abord comme capitaine, puis comme commandant dans la troisième division de l'armée de Haute-Bretagne commandée par Monsieur de Scépeaux. Cette division à laquelle appartenait Letertre - celui-ci était connu sous le sobriquet de Mayence - était commandée par René-Victor-Joseph Palierne de la Hunaudaie (celui-ci avait été destitué, en 1792, de sa place de receveur à Ancenis. On a dit qu'il avait été initié aux projets de la Rouërie) et comptait plus de 4000 hommes. Elle tenait au moins jusqu'à l'Erdre, les pays d'Ancenis, de Ligné, de Niort et de Carquefou, menaçant directement Nantes.
   Outre Jean Letertre dit Mayence, les principaux officiers de Palierne étaient : de la Houssaie, Hardou, Mourin de l'Herbaudière, d'Espitven, Le Douarin et Louis-Julien Rousseau. Précédemment Palierne avait été, en 1794, chef de division sur la rive gauche de la Loire, dans l'armée du général Stofflet (CF. Arthur du Chêne, Notes particulières sur les faits et circonstances qui ont eu lieu pendant la guerre des chouans de l’armée dite du Bas-Anjou et Haute-Bretagne, Angers, Lachèse et Cie, 1899, pp. 164-165, note - sur Palierne, voir Alfred Rouxeau, Un chef chouan du pays nantais ; Palierne, préface de Marcel Giraud-Mangin, Nantes, L. Durance, 1927 ; Abbé Bourdeaut,  Maumusson pendant la Révolution (...), Nantes, sd 1928. en 1799, l’armée dite de Haute-Bretagne sera commandée par D'Andigné et la troisième division de cette armée deviendra la 4e division, toujours commandée par Palierne.
   En 1814 un état des officiers royalistes qualifie Le Tertre - ainsi écrivait-on son nom des (et peut-être avant) la première Restauration - de lieutenant-colonel. Ce même document précisait que Le Tertre était cultivateur à Chemillé « peu aisé (et) chargé d'une nombreuse famille". Le Tertre demandait la "confirmation de son grade et une pension". Cette demande fut favorablement accueillie puisque le rédacteur de ce document précisait dans la colonne observation : “Bon officier, fort estimable, a fait toutes les guerres". (J. Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée Militaire, édition nouvelle et illustrée (...) annotée et augmentée d'un 5e volume par le R.P. Jean-Emmanuel B. Drochon, Paris, maison de la Bonne-Presse, (réimpression, Paris Montpensier, 1973, p. 155).
Le préfet de Maine-et-Loire promit de s'occuper de l'aîné des enfants de Le Tertre. Le 2 novembre 1814, l'épouse de Le Tertre écrivait au préfet : "A la promesse, Monsieur le Comte, que vous avez eu la bonté de me faire lors de votre passage à la Sorinière, commune de Chemillé, de placer dans un lycée ou collège l'aîné de mes enfants âgé de 13 ans, étant en cinquième, je vous supplie humblement, Monsieur le Comte, de vouloir bien vous intéresser à moi". Le 26 novembre de la même année, elle insistait auprès du Préfet : 'Mère de quatre enfants en bas âge, étant sans fortune, je désirerai leur donner de l'éducation. J'ai l'honneur de vous prier, Monsieur le Comte, de vouloir bien vous intéresser à eux et leur faire obtenir des places gratuites dans une maison d'éducation, ce qui me récompenserai de mes services que j'ai rendu à l'humanité souffrante dans l'armée royale (...) J'ai la douce confiance Monsieur le Comte, en votre bonté".
   J'ignore si Le Tertre reprit les armes en 1815. Cependant, toujours en butte aux ennemis de la monarchie, sa maison fut pillée pendant les Cent-jours.
Le Tertre quitta l'agriculture pour devenir “vitrier et peintre en bâtiment", profession qu'il abandonna lorsque la monarchie lui accorda, comme "chef de bataillon retraité" une pension de 900 F (qu'il touchait déjà en 1821), “les décorations de Saint-Louis (23 octobre 1822) et de la Légion d'Honneur“ et, enfin, des lettres de Noblesse. ll cessa donc "son état de peintre vitrier pour vivre d'une manière conforme à sa nouvelle position dans la société ». Cependant, Le Tertre se trouva bientôt "réduit a des moyens d'existence vraiment insuffisants", malgré sa pension de 900 F et un revenu personnel de 120F.
   Le ménage Le Tertre – qui jouissait de « l'estime public » avait 4 enfants. En 1823, l'ainé des fils était militaire en activité de service (deux ans plus tard on le retrouvera tisserand), le cadet était “étudiant ecclésiastique à Beaupréau au compte de l’Évêque d'Angers. Les deux demoiselles (vivaient) avec leur père et (étaient) à sa charge".
   En 1825 la situation des Le Tertre était restée la même : "Cette famille est dans la gêne, écrivait un fonctionnaire, et la femme entrevoit un triste avenir, car son mari est d'une complexion qui tend à l'apoplexie qui le rend impropre à aucun travail". Ce fonctionnaire ajoutait : le mari "né cultivateur (...) n'a aucun métier" (on a vu plus haut pourquoi).
   Dès 1827 (et peut-être avant), l'Association Paternelle des Chevaliers de Saint-Louis accordait à Le Tertre une pension de 300 F (à cette date notre officier réclamait toujours l'augmentation de sa pension accordée par l'Etat).
   Jean Le Tertre et Perrine-Nicole-Marie Rochard eurent quatre enfants :
    - Olive-Marie Le Tertre, née à Chemillé le 11 fructidor an 7 - mercredi 28 aout 1799. Epousa à Chemillé, le 16 octobre 1851, Marie Humeau, marchand, 25 ans, né à La Pommeraye le 22 juin 1806, fils de Marie Humeau, aussi marchand, et de Louise Bossau (ou Bosseau), demeurant au bourg de La Pommeraye (présent au mariage : Pierre-Auguste Ruais, prêtre, desservant de la dite commune de La Pommeraye, trente ans, cousin de l'épouse). Olive-Marie Le Tertre mourut au bourg de La Pommeraye le 3 décembre 1850.
    -Victoire-Augustine Le Tertre, épouse de François Mathurin Tricoire, greffier du Tribunal civil de Beaupréau.
    - Sébastien-Jean Le Tertre, commerçant à Lyon en 1850.
    - Hippolyte Le Tertre, religieux à la Trappe, département de l'Orne (en 1850).

   Perrine-Nicole-Marie Rochard, propriétaire, 82 ans, mourut à Chemillé, quartier des halles, le 2 septembre 1847.
   Jean Le Tertre mourut à Beaupréau, auprès de son gendre Tricoire, le 18 avril 1850.

   Extrait de Paroisse et Soldats de l'armée vendéenne, par Dominique Lambert de la Douasnerie 
(2010, Angers, 1985, pp. 91 à 95 - reproduction interdite)

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