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16/06/2016

LES CARTES POSTALES ANCIENNES ET LES GUERRES DE VENDÉE VII  

    Nous terminons aujourd’hui une série d’articles publiés régulièrement sur le blog de « Vendée Militaire » et la revue « Savoir » depuis le mois de septembre 2015.
 Il s’agit aujourd’hui de la suite du septième point, mais en réalité du onzième article puisque les points IV, VI et VII ont été respectivement doublés ou triplés. L’objectif poursuivi par cette série d’articles était de montrer de quelle manière les cartes postales vendéennes, datant du tout début du XXème siècle, pouvaient aider à écrire et illustrer l’histoire locale et en particulier celle des Guerres de Vendée.
La finalité réelle était aussi de vous faire prendre conscience que ces petits documents appartiennent désormais au patrimoine historique ; et donc de vous convaincre de les collectionner pour participer à sa préservation.
 A ce sujet, l’augmentation constante et rapide des tarifs des ventes par correspondance est une des meilleures preuves de l’intérêt grandissant qu’ils suscitent. Nous préparons d’ailleurs un ouvrage qui se voudrait assez exhaustif sur « Les cartes postales et l’histoire en Vendée ».
7 - Les cartes postales anciennes ont permis de faire connaître l’iconographie des Guerres de Vendée  (suite) : 
Les cartes postales du début du XXème siècle ont été les premières à permettre de faire connaître largement toutes les formes d’illustrations liées aux guerres de Vendée : les tableaux, les différentes sortes de gravures, les images pieuses de livres de messe ainsi que les vitraux des églises et des chapelles, etc. Elles ont ensuite été relayées dans ce rôle par les livres de plus en plus illustrés, les magazines et les revues des associations de la Mémoire Vendéenne. Nous avons évoqué la fois précédente les portraits des Généraux Vendéens, venons en aujourd’hui aux vitraux des églises.
Les Vitraux :
Le plus bel ensemble de vitraux occupant l’ensemble d’une église et consacré à l’Épopée Vendéenne est sans conteste celui de l’Église du Pin-en-Mauges en Maine-et-Loire. Au sein de la Vendée départementale c’est celui de l’Église des Lucs-sur-Boulogne.


Vitrail des Lucs sur Boulogne
L’église Saint Pierre des Lucs-sur-Boulogne, édifiée de 1898 à 1902 par l’architecte Liberge, n’a en réalité jamais été achevée. En particulier la flèche, qui devait couronner le beffroi du clocher, n’a pas été construite. Pour les mêmes raisons, les vitraux prévus dans le projet initial sont restés pendant près d’un demi-siècle sous l’aspect de verres blancs. L’abbé Prouteau curé des Lucs décida de reprendre l’affaire et chargea Luc Fournier, maître verrier à Tours, de réaliser les deux grands vitraux rosaces des transepts pour illustrer le martyre de la paroisse en 1794. Ce dernier livra la commande en 1941. La paroisse les fit compléter ensuite par les onze petits vitraux de la nef consacrés à l’histoire de l’abbé Barbedette curé du Grand-Luc avant et pendant les Guerres de Vendée. 
Les deux premiers vitraux des transepts ont fait l’objet de deux cartes postales. Bien qu’éditées vers 1945 en période de la réalisation sur papier photographique glacé brillant, elles ont conservé les formes des cartes du début du siècle : clichés imprimés, cartons d’impression, légende au recto. Ce n’étaient pas des cartes réalisées pour les circuits commerciaux habituels mais plutôt des documents à l’usage des paroissiens ou des cartes de publicité du maître verrier (un petit dessin indique que celui-ci était titulaire des palmes académiques !). Nous vous avions déjà présenté précédemment le vitrail de transept nord consacré au martyre de l’abbé Voyneau curé du Petit-Luc. C’est donc de celui du transept sud, visible sur la carte postale ci-dessus, dont nous allons parler aujourd’hui.
Conformément à la tradition médiévale, les quatre panneaux ne forment pas une image fixe prise en instantané mais un récit détaillé des événements sur une durée. Le vitrail 4 (numérotation de gauche à droite) illustre le petit texte de légende « 28 février 1794 ! la foule, réfugiée à l’église du Petit Luc récite le chapelet ». Le panneau 3 montre un soldat républicain utilisant son sabre pour frapper une femme et son enfant pendant qu’un autre tire au fusil sur un groupe d’enfants à terre. Un homme âgé, ne disposant pas d’autre arme que sa canne, essaye néanmoins de résister. Il est spécifié sur la légende « 563 personnes de 15 jours à 84 ans, sont massacrées dans le sanctuaire et aux alentours ». Le panneau 2 est le plus célèbre car il a maintes fois été utilisé pour illustrer les ouvrages traitant des colonnes infernales. Une femme tente vainement de repousser un soldat qui essaye d’embrocher son enfant avec la baïonnette de son fusil. Le panneau 1, présentant les soldats qui suivent et au fond des tirs au canon, apparaît comme du remplissage par rapport à la scène principale.

Les Gravures :

Bataille de Pont Charron
Cette deuxième carte postale a été éditée vers 1920 par le photographe F. Chapeau à Nantes. Elle appartient à une série consacrée aux épisodes des Guerres de Vendée et porte le numéro 63. Il en existe plusieurs tirages différents, puisque sur un autre exemplaire il n’y a pas la confusion « Pont-Charron ou Pont-Charrault ». En réalité cette gravure n’est qu’une reproduction fidèle de la lithogravure représentant la même scène dans l’Album Vendéen et qui porte le numéro 34. Cette dernière est signée : T. Drake Del, Daniaud Lithographe, Imprimerie Lemercier à Paris, Lainé Frères Editeurs à Angers. Pourtant une chose les différencie. En effet, la carte postale indique « Le Pont-Charron ou Pont-Charrault sur le Lay, près de Chantonnay (Vendée). En cet endroit le 25 juillet 1793, un violent combat eut lieu entre les républicains du général Tuncq et les Vendéens de Royrand commandés par Sapinaud de la Verrie ou de Bois-Huguet ; ce dernier y fut tué ». Ce qui signifie que l’éditeur a voulu représenter l’affrontement à Pont-Charron lors de la prise de Chantonnay le 25 Juillet 1793 et la mort du général. En revanche la lithogravure porte seulement comme légende « Le Pont-Charron ». Et on pourrait penser que Drake n’a sans doute pas voulu représenter un combat particulier mais seulement évoquer tous les affrontements qui ont eu lieu à cet endroit. Lors de l’installation du calvaire de commémoration en 1948 l’association Le Souvenir Vendéen a d’ailleurs pris la même position. En effet, on y compte trois batailles principales durant l’Insurrection Vendéenne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le 10 mars 1980, lorsque le Conseil Municipal de Chantonnay a donné 157 nouveaux noms de rues, nous avons attribué une « rue des trois batailles » au village voisin de la Tabarière. Rappelons les pour mémoire :
  • 1. En mars 1793 – Le 15 au matin l’avant-garde de l’armée du centre s’empara sans combat de Chantonnay mais fut repoussée par les 700 gardes nationaux défendant l’endroit. Le même jour (15 mars) dans l’après-midi le gros de l’armée, commandé par de Verteuil et du Champ Blanc obligea les Bleus à abandonner le terrain. Mais ceux-ci revinrent dès le lendemain 16 sans pouvoir reprendre la position. En revanche le surlendemain 17 le général Marcé, le 6e régiment d’infanterie et les gardes nationaux de La Rochelle et de Rochefort s’ouvrirent de nouveau l’accès au bocage. On se souvient qu’il essuya ensuite deux jours plus tard (le 19 mars) la défaite de Gravereau. 

  • 2. En juillet 1793 – Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1793, avec l’aide d’un guide, les Bleus franchirent la rivière à un gué situé en amont, surprirent Sapinaud vers Pont-Charrault et vinrent prendre en tenaille la garnison vendéenne de Pont-Charron.

  • 3. En septembre 1793 – Le 5, lors de la bataille dite du Camp des Roches, le plan d’encerclement prévoyait qu’une des trois attaques porterait au sud à Pont-Charron. Les Vendéens, commandés par Fleuriot, emportèrent le poste presque sans combat et s’avancèrent vers Chantonnay pour la bataille proprement dite. Ce n’est pas cet affrontement que représente la lithogravure puisque cette fois-ci c’étaient les vendéens qui descendaient la colline au sud.
Bataille de Rocheservière
Ce document photographique nous fournit un autre exemple de carte postale reproduisant une gravure concernant l’insurrection de l’Ouest. Elle a été réalisée cette fois-ci par Freulon de Beaupréau, porte le numéro 635 et appartient à la collection « Guerre de Vendée, Trait Héroïque ». Nous en connaissons plusieurs autres de la même collection, en particulier le numéro 629, Mme de Bulkeley au combat de La Roche-sur-Yon. Celle présentée ci-dessus comporte la légende suivante : 
« Trait Héroïque 1815 
Au combat de Rocheservière, on allait donner le signal de la retraite. Un porte-drapeau, effrayé du feu de l’ennemi, fuyait en emportant son étendard. A cette vue, M de Beauvau, officier d’une rare valeur, court à lui, lui arrache l’étendard des mains et malgré trois blessures dont il est atteint, va le planter sur le pont de la Boulogne ; les Vendéens électrisés par l’admirable courage de cet officier et par l’intrépidité de leur brave chef, M de la Bretêche, ne songent plus à rétrograder et vont affronter le danger ».
Il s’agit naturellement du combat de Rocheservière le 20 juin 1815 livré pendant le nouveau soulèvement entrepris au retour de Napoléon Ier pendant la période dite des Cent Jours. C’est à cette occasion qu’est mort, le lendemain 21 juin, le comte Constant de Suzannet. L’association Vendée Militaire va d’ailleurs consacrer à ce dernier une journée d’hommage le samedi 25 juin 2016 au château de La Chardière à Chavagnes-en-Paillers.


Bataille de la Pénissière
Cette nouvelle carte postale a, elle aussi, été éditée par F. Chapeau, photographe à Nantes vers 1920. Elle appartient à la même série que celle de Pont-Charron (épisodes des Guerres de Vendée) et porte le numéro 42. On peut y lire la légende suivante : « Combat de la Pénissière le 6 juin 1832 : Une cinquantaine de Vendéens, réfugiés au château de la Pénissière, à 7 ou 8 km de Clisson, résistèrent pendant plus de huit heures à une troupe dix fois plus nombreuse ; et malgré l’incendie qui faisait rage, purent presque tous s’échapper. »
Nous avons déjà évoqué le combat au logis de la Pénissière en publiant une carte postale représentant l’édifice au chapitre IV, il ne nous semble donc pas utile d’y revenir maintenant. 

Les personnages :

Le vieux chouan
Cette dernière carte postale, portant le numéro 105, a été éditée en 1903 par Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre. Ce dernier affectionnait de photographier les artisans, les vieux métiers et les personnages célèbres ou pittoresques qui habitaient dans nos campagnes. Il nous présente ici un homme qualifié de vieux chouan en costume authentique de l’époque et habitant près de la commune de Châtillon-sur-Sèvre (redevenue depuis Mauléon). La légende inhabituellement longue est hélas plus condescendante que précise: « Le père Jean habite la commune de Moulins près Châtillon (Deux-Sèvres), dans une vieille masure au toit à moitié effondré. Il possède bien au moins trente pantalons, gilets, chapeaux et cravates ; le tout, jeté pêle-mêle dans un désordre extraordinaire, produit un effet indescriptible. Le père Jean est superstitieux ; il a un cauchemar continuel [ça revient la nuit chez lui] dit-il. Mais malgré ce fâcheux contretemps, il en prend son parti et vit en véritable philosophe, sans souci du lendemain. C’est un type unique qu’il faut voir. ». On aurait aimé avoir des précisions sur le costume que l’on distingue malheureusement assez mal ou sur le fusil. Il serait surtout intéressant de savoir ce que ces objets sont devenus depuis plus d’un siècle.

Chantonnay, le 5 juin 2016

          Maurice BEDON

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