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Excellence,
Monsieur
le Curé,
Mesdames
et Messieurs,
Chers
Amis,
À
l’issue de ces deux cérémonies, vous avez souhaité que soit
organisé un dîner pour terminer cette journée par une rencontre
amicale, soyez-en remerciés. C’est une nouvelle occasion de me
retrouver parmi vous tous, fidèles qui m’entourez depuis de si
longues années et nous sommes très honorés que Monseigneur Bruguès
ait pu se joindre à nous.
Je
salue nos amis venus d’Amérique, où je serai au mois d’août
pour commémorer saint Louis et la création de la ville de
Saint-Louis du Missouri, il y a 250 ans par le roi Louis XV.
La
soirée que nous vivons est solennelle puisque nous nous retrouvons
autour du souvenir de saint Louis et de Louis XVII. Le Saint, roi à
12 ans et l’enfant roi, Martyr à 10 ans. Quel symbole ! L’un et
l’autre, brutalement sortis de l’enfance et confrontés au
meilleur et au pire.
Avec
saint Louis, dont est commémoré cette année, un peu partout en
France et dans le monde, le 8e centenaire
de la naissance, nous comprenons mieux ce qu’apporte à la royauté
la religion vécue jusqu’à la sainteté. Elle a permis à Louis IX
d’accomplir sa tâche de souverain en mettant toujours en avant
les principes évangéliques que lui avait inculqués sa mère,
Blanche de Castille. Être le roi de la justice ; celui de la paix
entre les grandes principautés féodales ; celui de la protection
des petits et des faibles ; enfin, celui de la charité qui s’est
traduite par ses préoccupations sociales en oeuvrant autant pour
créer des hôpitaux que pour assurer aux veuves et aux orphelins des
moyens de subsistance. Son souvenir est tel que, huit siècles après,
il demeure un modèle honoré dans de nombreuses villes comme j’ai
pu le constater tant à Poissy qu’à Aigues-Mortes ou à Paris,
alors que ce sont des dizaines de villes qui ont programmé des
commémorations cette année.
Avec
Louis XVII, nous plongeons dans un autre versant de la nature
humaine, celle de la face honteuse d’une humanité qui a perdu tout
sens des valeurs au point de laisser mourir un enfant de 10 ans dont
le seul crime était d’être un fils de roi et son successeur
légitime.
Mais,
malheureusement, si Louis XVII reste un symbole de l’enfance
sacrifiée, ne faut-il pas reconnaître que son sacrifice n’a, à
vue humaine, rien changé. L’actualité montre que les enfants sont
toujours les innocentes victimes de la folie, de l’égoïsme ou de
la perversion des adultes. Des enfants-soldats aux victimes des actes
pédophiles, les enfants martyrs se comptent en milliers, en millions
comme si bien souvent les adultes faisaient payer aux plus petits et
aux plus faibles leur propre incapacité à agir pour le bien commun.
L’exact
opposé du message multi-séculaire de saint Louis !
Alors
comment ne pas être amené à réfléchir ?
Y
a-t-il un lien entre ce passé et notre avenir ?
Il
est dans la question des valeurs. Quelle société voulons-nous ?
Cette question est celle de chacun d’entre nous. La question de la
crise morale, que nos sociétés traversent, est souvent évoquée en
France, mais aussi dans d’autres pays européens et notamment par
le Saint-Père. Cette crise morale est celle de la perte de sens de
nos sociétés. Nous avons su être à la pointe des progrès
technologiques et scientifiques. Nous savons aller sur Mars ; nous
pouvons voir l’infiniment petit. Les découvertes médicales nous
étonnent chaque jour un peu plus. L’homme est capable de grandes
choses ! C’est la face saint Louis, Bouvines, François 1er,
Louis XV et Louis XVI...
Et
pourtant, notre société est confrontée au doute, au
désenchantement qui frappe les plus jeunes, au découragement qui
frappe les plus âgés.
La
différence se trouve dans le sens que nous donnons à la vie, à
toute la vie. Dès qu’on la détourne du Bien commun et des devoirs
que chacun a vis-à-vis de ses prochains et de ceux qui le suivront,
la société tombe dans tous les pièges et dans tous les excès.
Telle est la rançon des époques qui perdent le sens des valeurs.
Souvenons-nous, en effet, que le martyre de Louis XVII ne fut pas un
acte isolé - une erreur de l’histoire - mais qu’il accompagna le
génocide des 500 000 Vendéens, les prisons de la Terreur et les
nombreux guillotinés, et qu’il précéda les guerres qui firent
plus d’un million de victimes et laissèrent la France exsangue.
Spirale du malheur !
Que
voulons-nous pour demain ?
Telle
est la question que tous les rois se sont toujours posée. Quel est
notre devoir, le vôtre, comme le mien ? Quelle est notre mission ?
Pourquoi maintenons-nous une tradition ? En un mot, quel sens
donnons-nous à la royauté en ce XXIe siècle
?
Je
le dis souvent, il ne s’agit pas de regretter quelque époque
passée qui, quoique nous fassions, ne reviendra pas. Il convient
d’aller vers l’avenir. D’aider à le construire comme le roi
Louis IX l’a fait.
C’est
ce que l’on attend de toutes les royautés. En Europe, c’est le
régime de nombreux états et pour certains, nous savons combien il
est important. Dans les pays qui l’ont abandonné, les crises
succèdent aux crises et surtout, les peuples payent un lourd tribut
comme en Iran, en Lybie, en Afghanistan. En 1989, lorsqu’il s’est
agi de faire la transition entre le régime communiste et le monde
libéral, plusieurs états avaient pensé à restaurer les antiques
maisons royales, en Hongrie, en Roumanie, en Bulgarie. Il est sans
doute regrettable que cela n’ait pas été réalisé, la transition
aurait sans doute été facilitée. Les rois ont l’avantage de
pouvoir symboliser leur pays, à travers toutes ses diversités et
chacun peut s’y rattacher comme dans une famille tous les membres
partagent les mêmes ancêtres.
Mon
devoir est donc de maintenir la flamme de l’espoir. Mais j’ai
besoin, autour de moi, de personnes qui s’engagent, de jeunes et de
moins jeunes qui ne soient pas des nostalgiques, mais qui aient envie
de changer la société pour la faire progresser. C’est tous
ensemble que nous réussirons.
Alors,
voyez-vous, si je dis cela, aujourd’hui parmi vous, c’est parce
que souvent m’est posée la question sur ce que je fais. Il est
vrai qu’il n’est pas simple d’être l’héritier de la
tradition royale française et l’héritier de la tradition de saint
Louis. Cet héritage, je l’assume. J’essaie d’appliquer dans ma
vie familiale et professionnelle ces principes fondateurs. J’aimerais
faire mieux pour l’enfance malheureuse en particulier et dans
d’autres domaines aussi. Avec tous et notamment ceux de ma
génération, prenons des initiatives. Tel est le devoir de
l’héritier des Bourbons, de l’aîné des Capétiens.
Merci.
Louis,
duc d’Anjou »