Depuis le mois de septembre 2015, nous avons publié régulièrement sur le blog de « Vendée Militaire » une série d’articles que nous poursuivons encore aujourd’hui. Il s’agit du septième et dernier point, mais en réalité du dixième article puisque les points IV et VI ont été respectivement doublé et triplé. L’objectif recherché par cette série est de montrer de quelle manière les cartes postales vendéennes, datant du tout début du XXème siècle, peuvent aider à écrire l’histoire locale et en particulier celle des Guerres de Vendée.
7 - Les cartes postales anciennes ont permis de faire connaître l’iconographie des Guerres de Vendée :
Les cartes postales du début du XXème siècle ont été les premières à permettre de faire connaître largement toute les formes d’illustration liées aux guerres de Vendée : les tableaux, les différentes sortes de gravures, ainsi que les vitraux des églises et des chapelles, etc. Elles ont ensuite été relayées dans ce rôle par les livres de plus en plus illustrés, les magazines et les revues des associations de la Mémoire Vendéenne. Les illustrations les plus célèbres sont évidemment les portraits des Généraux Vendéens.
Les portraits des douze Généraux Vendéens :
A son retour sur le trône en 1815, après l’intermède de la période dite des Cent Jours et la bataille de Waterloo, le Roy Louis XVIII prit la décision de rendre hommage aux Généraux Vendéens ayant combattu pour la royauté et la religion et de leur consacrer une série de douze grands tableaux en pied. Dans cet objectif, il choisit les plus grands noms de la peinture des scènes historiques de l’époque, comme par exemple Jean-Baptiste Paulin-Guérin, Pierre-Narcisse Guérin, Anne-Louis Giraudet-Trioson ou Jean-Baptiste Mauzaisse. Ces peintres, très spécialisés dans un thème qui n’a plus la vogue aujourd’hui, n’ont pas eu la chance que leur célébrité leur survive. La réalisation post mortem de ces portraits fut permise par des miniatures de familles ou des souvenirs de proches. Les premiers portraits furent réalisés dès 1816 (Cathelineau, La Rochejaquelein, Bonchamps, Talmont, etc.). Ils furent donc présentés au Salon de 1817, mais, à notre connaissance, sans recevoir de récompense. Cette manifestation artistique annuelle, qui était déjà une institution, se tenait traditionnellement dans le salon carré du Musée du Louvre, c’est ce qui lui avait d’ailleurs donné son nom.
« Le château de Saint Cloud, victime d’un incendie pendant la guerre de 1870,
a été complètement détruit en 1892 »
Ayant reçu la presque totalité de sa commande, Louis XVIII décida, comme prévu, d’installer les portraits réalisés dans une des résidences royales. Les tableaux furent ainsi positionnés de 1822 à 1830 au château de Saint-Cloud, résidence estivale de la couronne (cf. la carte postale ci-dessus, qui n’est pas vendéenne !). Ils étaient accrochés aux murs du salon dit de Granit. Cette pièce se trouvait à l’angle nord-ouest de l’aile dite de l’Orangerie derrière l’angle droit de la cour d’honneur (visible sur la carte postale ci-dessus). Ils étaient au nombre de douze mais Nicolas Stofflet en avait été écarté, paraît-il, à la demande de la marquise de La Rochejaquelein. On avait représenté à sa place (pour faire le 12ème) Louis-François Perrin comte de Précy (1742-1820), lieutenant colonel de la garde constitutionnelle du Roy.
Après la révolution dite des Trois Glorieuses en juillet 1830 et l’arrivée du roi des Français Louis-Philippe Ier, celui-ci fit retirer de Saint-Cloud ces portraits symboles de la Royauté légitimiste. Ils furent alors logiquement déposés aux réserves du garde-meuble royal jusqu’à la date approximative de 1835. En effet de 1832 à 1837, le roi fit aménager un grand musée historique dans les locaux même du château de Versailles. On y transporta donc ces cadres parce qu’ils étaient parfaitement en rapport avec le sujet. Malheureusement, le musée étant consacré « A toutes les Gloires de la France », ces tableaux représentaient déjà la partie honteuse et cachée de notre histoire nationale. Les toiles ne furent donc pas exposées à Versailles mais rejoignirent simplement les réserves de ce musée. Toutefois, elles furent occasionnellement prêtées pour des expositions temporaires et en particulier dans l’ouest de la France. Et c’est à l’occasion d’une de ces sorties, dont la date exacte et le lieu précis ne nous sont pas connus, qu’elles furent photographiées pour la première fois dans les dernières années du XIXème siècle et éditées en 1900 par Lucien Amiaud à La Roche-sur-Yon. Nous avons d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion de parler de celui-ci dans les articles précédents.
C’est en 1914 que le musée de Cholet en Maine-et-Loire signa une convention de dépôt avec le château de Versailles et exposa les tableaux. Après l’ouverture en 1977 du nouveau musée consacré essentiellement aux Guerres de Vendée et situé au N° 27 de l’avenue de l’Abreuvoir, ils ont été particulièrement mis en valeur dans une nouvelle salle dite des Généraux.
Cette seconde carte postale est précisément l’une de celles éditées par Lucien Amiaud. Elle se présente sous la forme dite « précurseur » (avant fin 1903) avec l’adresse seule au verso et la correspondance au recto cohabitant avec une illustration de taille forcément réduite. Lucien Amiaud a montré, à cette occasion, un particulier attachement à la cause vendéenne et ceci à une date où il s’agissait quasiment d’une acte militant. Notons pour l’anecdote qu’en 1900 le papier photographique venait tout juste de ne plus porter au verso l’inscription « République Française », ce qui évitait aux royalistes de l’époque de coller le timbre précisément sur le mot République pour le dissimuler. En revanche , ils continuaient à placer les timbres à l’effigie de Marianne la tête en bas pour marquer leur absence de respect pour la « gueuse ».
Le cliché portant le N° 241 représente Jacques, Florent, Maurice Gigost (ou Guibault) marquis d’ELBEE (1752-1794) Généralissime des Armées Vendéennes le 19 juillet 1793. Atteint de 14 blessures à la bataille de Cholet, il se réfugia dans l’île de Noirmoutier où il fut capturé et fusillé le 7 janvier 1794. Sur le portrait, comme la presque totalité de ses confrères, il est représenté les armes à la main, légèrement blessé et portant une ceinture blanche. Le tableau a été terminé en 1827 par Jean-Baptiste Paulin-Guérin. Lucien Amiaud a aussi édité : au N°237 Lescure, au N° 238 Suzannet, au N° 239 Charrette, au N° 240 Cadoudal, au N° 241 d’Elbée, au N° 242 Frotté, au N° 243 La Rochejaquelein Henri, au N° 244 Bonchamps, au N° 245 Talmont, au N° 246 Stofflet, au N° 247 Cathelineau et au N° 248 La Rochejaquelein Louis. Il a donc ainsi enlevé Précy pour rétablir Stofflet, en utilisant une gravure du milieu du XIXème siècle. Il classe en outre les Généraux sans ordre apparent, ni alphabétique, ni chronologique, ni géographique !
En juillet 1903, Lucien Amiaud se marie, quitte La Roche-sur-Yon et s’installe aux Sables d’Olonne. Il va désormais se consacrer largement aux activités touristiques de la station balnéaire en produisant de très nombreuses photos, mais de moindre intérêt. Il décide l’année suivante de vendre ses anciennes plaques de verre portant sur le haut bocage vendéen à ses collègues Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre et Armand Robin de Fontenay-le-Comte. Les douze clichés des Généraux Vendéens, en ce qui les concernent, sont cédés à un de ses confrères des Sables d’Olonne Victor Marsault (1 place de l’église). Ce dernier va donc les rééditer vers 1905, à son nom, mais en plein format. Il conserve les initiales de son prédécesseur (L. A), ainsi que l’ordre arbitraire des portraits et la numérotation. Ainsi le cliché ci-dessus, légendé à l’origine « Photogravure L Amiaud Roche-s-Yon – N° 247 », est devenu désormais « V Marsault, édit, Les Sables d’Olonne – L.A – N° 247 »
Ce portait, que l’on aurait pu s’attendre à trouver légitimement en première position, représente Jacques CATHELINEAU, voiturier et colporteur, père de cinq enfants (1759-1793). Il s’était fait tout de suite remarquer dans sa paroisse du Pin-en-Mauges et prenant la tête des processions réclamant le retour des prêtres réfractaires. Le 13 mars 1793, le soir même du début de l’insurrection, les jeunes vinrent lui demander de se mettre à leur tête. Son autorité, sa modestie et sa foi (« Le Saint de l’Anjou ») le conduisirent à être élu le tout premier Généralissime de l’Armée Catholique et Royale le 9 juin. Mortellement blessé lors de l’échec de l’attaque de Nantes le 29 juin, il mourut à Saint-Florent-le-Vieil le 14 juillet 1793. Ses descendants ont été anoblis par le Roy Louis XVIII.
A son tour, l’imprimerie Freulon de Beaupréau s’est intéressée aux douze tableaux des Généraux Vendéens et les a publiés en cartes postales. Comme nous ne connaissons pas suffisamment l’œuvre de ce photographe hors du département de la Vendée, nous ne sommes pas en mesure de préciser en quelle année. Sa démarche est totalement indépendante de celle de Lucien Amiaud, s’il conserve les mêmes (sans Précy mais avec Stofflet), il les classe par ordre alphabétique du N° 613 (Bonchamp) au N° 624 (Talmont). Il nous apparaît vraisemblable qu’il aurait pu les photographier en 1914 à leur arrivée à Cholet.
La carte postale reproduite ci-dessus porte donc le N° 621. Elle représente Louis-Marie de Salges marquis de LESCURE (1766-1793). Appartenant à la noblesse de cour, il quitte Paris à la chute de la monarchie et rentre dans la région de Bressuire. Il est emprisonné comme suspect et libéré par les Vendéens. Il les suit et en devient un chef vénéré par ses convictions religieuses (« le Saint du Poitou »). Il est grièvement blessé le 15 octobre 1793 au château de la Tremblaye près de Cholet. Il suit néanmoins l’armée pour la virée de Galerne, transporté dans un chariot. Il meurt le 4 novembre près de Fougères. Le tableau a été peint en 1818 par Robert-Jacques Faust-Lefèvre. On peut y reconnaître en arrière plan des soldats à genoux autour d’un calvaire, scène dont un extrait sert de logo à l’association « Vendée Militaire ».
Après la période de l’âge d’or des cartes postales, des photographies de tableaux des Généraux Vendéens continueront à être publiées entre les deux guerres, en particulier par des éditeurs nantais. L’arrivée des cartes postales en couleur allait redonner un nouvel intérêt à cette publication à partir de 1960 environ. Cette fois-ci, ce sont les établissements Artaud Frères à Nantes qui devaient prendre le relai. On édita également des séries de gravures de plus grand format (45 x 60 cm) qui ont toujours du succès.
Le document ci-dessus représente Henri du Vergier comte de LA ROCHEJAQUELEIN (1772-1794). Sous-lieutenant de cavalerie, il s’engage auprès des jeunes paysans venus le chercher à son château de la Durbelière et leur répond « Si j’avance suivez-moi, si je recule tuez-moi, si je meurs vengez-moi ». Il est à son tour nommé généralissime de l’Armée Catholique et Royale en octobre 1793. Il participe activement à toute la virée de Galerne mais réussit à repasser la Loire et à rentrer dans les Mauges. Il est tué par hasard sur la route de Nuaillé en 1794. Le tableau a été peint en 1816 par Pierre-Narcisse Guérin.
Chantonnay, le 13 avril 2016
Maurice BEDON