Le livre de l'ambassadeur et juriste Jacques Villemain, Vendée 1793-1794. Crime de guerre? Crime contre l'humanité? Génocide? (ed. du Cerf) fait en ce moment un véritable tabac. Pour l'auteur la Vendée a bien été victime d'un génocide et sa démonstration est implacable. Elle laisse sans voix, pour le moment, les habituels négationistes du génocide.
La presse consacre régulièrement des articles conséquents à l'ouvrage de Jacques Villemain. Il y a quelques jours, L'Homme Nouveau lui consacrait un important dossier. Ces jours-ci, notre hebdomadaire préféré, L'Action française 2000, lui consacre un entretien qui occupe une page entière. Présent doit, je crois, publier un entretien avec l'auteur. Politique Magazine, sous la plume d'Anne Bernet, a offert à ses lecteurs une excellente recension de l'ouvrage de Jacques Villemain, lequel sera bientôt l'invité de T.V. Liberté. L'émission sera diffusée le 18 mars prochain, etc.
Ce même jour, 18 mars, l'auteur sera l'invité de la Vendée Militaire. Il animera un déjeuner-débat qui aura lieu au restaurant Le Poisson d'Argent à partir de 12h00. Déjà plus de 80 personnes sont inscrites pour vivre cet événement. Il reste encore quelques places, ne tardez pas à vous inscrire. Participation aux frais (repas compris) : 28 euros par personne. Réjouissons-nous car c'est sous notre égide que Jacques Villemain donnera sa première conférence sur le génocide vendéen. Après sa conférence l'auteur dédicacera son livre. Il est important de retenir dès maintenant son exemplaire. Vous pourrez également vous procurer, dans la limite des exemplaires disponibles, le numéro de L'homme Nouveau en partie consacrée à l'ouvrage de Jacques Villemain.
Paru dans l'Action Française 2000 n° 2950 du 02 Mars 2017.
Jacques Villemain : le génocide vendéen, un crime contre l’humanité
Si les faits qui se sont produits en Vendée en 1793-1794 avaient lieu aujourd’hui, comment seraient-ils qualifiés au regard du droit pénal international ? Telle est la question à laquelle répond Jacques Villemain diplomate et juriste.
Emmanuel Macron vient de parler de « crime contre l’humanité » à propos de la colonisation. Sans parler du fond, cela peut paraître anachronique : l’anachronisme est-il un argument historique pertinent ?
La “colonisation” n’est pas répertoriée parmi les “crimes contre l’humanité” par le statut de la Cour pénale internationale : l’article 7 qui définit ceux-ci fait pourtant deux pages ! L’anachronisme consiste à attribuer à une époque une réalité qui ne lui appartient pas. “Génocide” est un concept qui n’a été défini qu’au XXe siècle, mais la réalité des faits commis en Vendée était évidemment déjà considérée comme criminelle en 1793-1794. C’était bien des crimes, mais tellement énormes, tellement inédits, qu’on ne trouvait même pas de mot à mettre dessus : alors les contemporains ont inventé des néologismes. Le conventionnel Lequinio parle ainsi de « dépopulation » dès 1794, terme que reprendra Babeuf en 1796 en y ajoutant le néologisme « populicide ». Ces mots ont le sens que nous donnons à « génocide ». Turreau et Carrier seront d’ailleurs poursuivis après Thermidor pour des actes criminels commis dans ce cadre (leurs procès, comme tous ceux du Tribunal révolutionnaire, sont des parodies de justice, mais ce qui importe est qu’on ait bien considéré à l’époque que les faits, si les intéressés pouvaient en être jugés responsables, étaient bien des crimes). On ne peut parler, et encore, que d’un “anachronisme des concepts”, mais celui-là n’est pas critiquable. Le juriste Michel Troper expliquait qu’il « consiste à utiliser des concepts nouveaux pour appréhender une réalité ancienne » ; « cette forme d’anachronisme est liée à la nécessité d’employer le langage contemporain ou ce qui revient au même, à l’impossibilité de reproduire le langage du passé » ; « cet anachronisme des concepts n’est donc nullement illégitime et semble même inévitable ». Par exemple, il y a des historiens de l’économie qui étudient l’inflation sous l’Empire romain, alors qu’il est peu vraisemblable que des gens comme Néron ou Dioclétien aient jamais eu la moindre idée de ce qu’est l’inflation monétaire. Ceci ne me semble pas critiquable.
Vous n’hésitez pas à critiquer les historiens et leurs imprécisions, pointant le moment où le comparatisme empêche la conclusion ou celui où l’interprétation des faits cède la place au point de vue politique. L’analyse juridique est-elle exempte de ce risque ?
L’analyse juridique ne repose pas sur le comparatisme. On ne juge pas un crime en le comparant avec un autre crime, mais en rapportant les faits à une norme qui leur est extérieure, et extérieure à tous les autres faits : la loi, telle qu’authentiquement interprétée par la jurisprudence. Pour ce qui est du biais politique, bien entendu, le Droit étant une science politique, on ne peut l’éliminer complètement. Mais dans le cas des crimes contre l’humanité, il est en fait référé à la philosophie du Droit qui est largement intemporelle : même si on remonte à l’Antiquité, Antigone est capable de dire à Créon qu’il y a des lois non écrites qui ne dépendent pas des hommes et qu’aucune loi écrite (entendez : issue d’une institution politique) ne peut transgresser. Ces lois s’imposent comme antérieures et supérieures à toute institution politique qui doit, que ça lui plaise ou non, s’y conformer. C’est par exemple le concept de “droits de l’homme” que les institutions politiques ne peuvent pas fonder mais peuvent seulement “reconnaître” ou “déclarer”. La notion de “crime contre l’humanité” dont est issue celle de “génocide” est de cet ordre. La méthode juridique d’analyse est, je ne dis pas la meilleure, mais tout simplement la seule qui puisse donner une interprétation légitime de la nature criminelle des faits.
Dans le cas précis de la Vendée, où vous établissez qu’il y a bien eu génocide, le parti pris politique de nier la qualité des faits (voire les faits eux-mêmes) est-il encore tenable ?
Si l’établissement des faits est un débat historique ou historien, leur qualification pénale est un débat juridique où les historiens n’ont pas leur place même si leur expertise est précieuse pour l’élément matériel des crimes. À cet égard je ne crois pas que le négationnisme des faits soit très actif aujourd’hui. Même un historien comme Jean-Clément Martin admet que les “Bleus” avaient écorché des Vendéens et tanné leurs peaux pour s’en faire des pantalons. Il essaie seulement de “noyer le poisson” et de faire passer ces faits comme “détail inutile”, histoires somme toute banales car on les aurait vues ailleurs. Mais quand bien même ce serait vrai, en quoi cela leur retire-t-elle leur nature criminelle ? Dira-t-on que le fait que les nazis aient tanné des peaux humaines n’est pas criminel ou l’est moins parce que les armées républicaines l’avaient déjà fait avant elles ? De telles positions “comparatistes” ne sont pas “tenables”. Mais quand bien même on entrerait dans cette logique, que je récuse au nom de la méthode juridique, il me semble difficilement tenable de nier, après les drames de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda, que les faits de la guerre de Vendée, qui sont à certains égards encore pires en termes de barbarie, sont de l’ordre du crime contre l’humanité et du crime de génocide.
Dans la longue négation du crime vendéen et des intentions criminelles de ceux qui l’ordonnèrent et l’exécutèrent, quelle est, au moment des faits, la position la plus incroyable que vous avez rencontrée, celle qui vous a le plus surpris par son incongruité, son incohérence, son impudence ? Et deux cent trente ans plus tard ?
Évitons les termes blessants. La position que j’ai le plus de mal à comprendre est celle de Jean-Clément Martin qui soutient qu’il n’y a pas eu de “plan” d’extermination. Un historien peut sans doute ignorer que juridiquement cet argument ne vaut rien. En revanche, il ne peut pas ignorer que tant Turreau que Carrier et Lequinio ont explicitement affirmé l’existence de ce “plan”. Un historien ne peut pas non plus ignorer la cascade des lois votées par la Convention et la correspondance entre le Comité de salut public, les représentants en mission et les généraux sur le terrain qui établissent au-delà de tout doute raisonnable, historiquement autant que judiciairement, que ces massacres ont été voulus, prémédités et exécutés en con-science. Que M. Martin le nie me “laisse pantois”. C’est l’expression que j’utilise dans mon livre, j’en resterai là.
Dans le rejet de l’idée d’un génocide vendéen, qu’est-ce qui se joue exactement : la volonté de déclarer la République irréprochable ou l’idée même que celle-ci ne peut rien commettre de mauvais, quel que soit l’acte ?
La “Révolution” a toujours eu la valeur d’une “histoire sainte” pour la gauche radicale. François Furet a fort bien expliqué cela et souligné qu’il était logique que la “pureté” de la Révolution française n’ait commencé à être mise en doute en France qu’après la misérable chute de l’URSS. La Révolution de 1917 était en effet vue chez nous comme la “fille”, la continuation, voire la pleine réalisation de 1789. La Terreur (celle de 1793, la stalinienne, etc.) a longtemps été considérée comme une nécessité historique parfaitement légitime et donc non criminelle. Ce qui est en cause dans le négationnisme des crimes commis en Vendée, c’est, à mon sens, plus le caractère “salvateur” du concept de “Révolution”, fondé sur la nécessité de la violence comme « accoucheuse de l’histoire » (Marx), que la “République” elle-même. Je tiens à rester dans une pure logique de droit pénal. D’un point de vue juridique, il n’est pas plus fondé d’imputer à “la République” les crimes de la guerre de Vendée qu’il ne serait juste d’imputer à “la Monarchie” ceux de la dévastation du Palatinat en 1689. Il est assez clair qu’une partie de ceux qui refusent de qualifier de génocide ce qui s’est passé en Vendée reprennent, de façon troublante, les arguments de tous ceux qui justifient les massacres d’aujourd’hui ou d’hier.
Jacques Villemain, Vendée – 1793-1794, éditions du Cerf, février 2017, 306 pages, 24 euros.
Paru dans l'Action Française 2000 n° 2950 du 02 Mars 2017.