En Anjou les communes nouvelles :
la fausse bonne idée ?
Iris Bridier 27 mai 2023 Politique Société Boulevard Voltaire
Entre 2013 et 2019, l’Anjou a divisé le nombre de ses communes en deux, passant de 363 à 177, en les fusionnant. Ā l’occasion des dix ans de ces premières communes nouvelles en Maine-et-Loire, le Courrier de l’Ouest a mené l’enquête. Et il en ressort, malgré les « points positifs » ou « un vrai choix d’avenir » dont se félicitent quelques-uns, pour autant, une amère expérience des habitants sur le terrain.
Dans une passionnante enquête réalisée ces derniers jours par le Courrier de l’Ouest titré « Le procès des communes nouvelles en Anjou », au regard des différents témoignages, le bilan de cette décennie de modernité semble un peu nuancé... « Je trouve que le bourg a perdu de son âme. Il n’y a plus de Poste, plus de commerces... Celui qui a inventé ça, il aurait mieux fait de rester dormir ! » ; « Franchement, Mauges-sur-Loire, ça veut dire quoi ? » La distribution du courrier est devenue un vrai casse-tête : « Rien que sur-Chemillé-en-Anjou on a quatre rues Nationales ». Et le sentiment d’appartenance s'est évaporé : ainsi, la commune nouvelle de Gennes-Val-de Loire avec ses 145 km2 « a du mal à trouver son identité ». Certains déchantent : « Les trois maires ont fait ça entre eux, sans consultation des habitants. On nous a fait comprendre que c’était obligatoire et qu’on y gagnerait de l’argent . » déplore Maurice Barreau, ancien maire de Chavagnes-les-Eaux devenue Terranjou.
Car l’Anjou, terre d’histoire et de racines, de beaux châteaux et de vieilles vignes, de petits villages et de vivants hameaux, avait été la première à s’engager dans ce mouvement inexorable du progrès à tout prix : abandonner les antiques traditions et les noms ancestraux, repousser les trop proches limites et les vieilles contrées, épouser la modernité, devenir grand enfin, et plus gros et plus riche, avec à la clé les promesses de grasses subventions, de dotations d’État, d’équipements nouveaux. « Il y a aujourd’hui une mode, particulièrement dans les Mauges, qui consiste, au nom des ressources financières ou d’autres intérêts, à regrouper les communes en une commune nouvelle par paquet de dix, douze ou quinze. Les populations sont à peine consultées par des conseils municipaux souverains qui n’avaient pas été élus pour ça. La démocratie en prend un coup dans l’indifférence générale. » nous confie Henry Renoul, ex adjoint au maire à Saint-Christophe-du-Bois (49) et vice-président de la Vendée Militaire qui s'interroge : « Tous les saints disparaissent. Peut-on espérer vivre, dans quelques années ou décennies, sous un régime qui effacera ces contresens historiques et géographiques ? »
Morts aux bourgs ruraux, vivent les belles agglos ; oubliés paroisses et clochers, honneur aux communes nouvelles et aux hôtels de communautés ! En ces terres de l’Ouest, résistantes lors des guerres de Vendée, la Révolution venait enfin de s’achever : et les nouveaux noms que Thermidor n’avait pas su imposer, les voilà qui fleurissent sur les panneaux tout nouveaux tout gros. Fièrement, Bouillé Saint-Paul devient Val en Vignes, Argenton Château devient Argentonnay, Saint-Michel-Mont-de-Mercure se mue en Sèvremont...
Comme une brève de comptoir, avec un peu de Murray et un peu de Audiard. Car enfin tout est vrai. Une presse locale qui dit tout haut ce qu’aucun plateau ne dira même tout bas. Des élus cocus pas contents. Des habitants qui relèvent la casquette et retrouvent le parler des anciens. Peut-être faut-il y voir quelques raisons d’espérer ?