03/01/2019

Mémoires d'un ouvrier vigneron royaliste

Charles Maurras
     Si l'on croit que l'Action française d'avant-guerre était essentiellement composée de "grands propriétaires aristocrates", on se tromperait très lourdement. Elle comptait, certes, dans ses rangs des représentants des grandes familles françaises appartenant à la noblesse. Certains jouaient même un grand rôle dans le mouvement. Tout cela est facile à vérifier en lisant le journal, les Almanachs et l'immense bibliographie consacrée à l'A.F. Elle comptait de très nombreux étudiants parmi les camelots du roi, organisation chargée de vendre l'A.F. à la criée dans les rues. L'A.F. était un mouvement intellectuel très rigoureux et son maître à penser, Charles Maurras, a été qualifié comme le "plus grand tentateur de l'intelligence qui soit". Il serait fastidieux de dresser un état des hommes politiques qui furent séduits par Charles Maurras : De Gaule, René Pléven, Mitterand, même Edgar Faure qui porta dans sa jeunesse, pour peu de temps il est vrai,  la fleur de lys de l'A.F. Parmi les écrivains et les artistes on pourrait citer Jules Lemaître et François Périer, d'autres encore.... Je ne veux pas évoquer les monarchistes de pacotille qui encombrent aujourd'hui les chaînes de télé.

Cardinal de Sevin
L'Action française comptait aussi des prêtres, des agriculteurs, des artisans. Je pourrais citer à Chanzeaux (49) et à Murs-Erigné (49) deux artisans et camelots célèbres. J'en dirai un mot dans un prochain numéro de Savoir. Je parlerai de cet artisan qui restera fidèle jusqu'au bout à l'A.F., malgré la condamnation de 1926 et sera enterré sans prêtre, le curé de sa paroisse ayant interdit une messe dans l'église de son village. Il fut entouré de ses amis lesquels devant l'église fermée chantèrent le Credo...Triste époque. En ce temps-là il n'était pas infamant d'être royaliste et on ne regardait pas de travers un voisin qui portait la fleur de lys et lisait l'A.F. Le cardinal Andrieu qui jadis encensait l'œuvre de Charles Maurras était devenu soudain l'ennemi acharné de l'A.F. Le texte qu'il publia, le 27 août 1926, dans L'Aquitaine, Semaine Religieuse du diocèse de Bordeaux et qui était adressé à quelques jeunes catholiques, est un réquisitoire outrancier et parfaitement injuste envers l'A.F. On pouvait lire  des arguments ahurissants sur la religion, comme ceux qui vont suivre : "Les dirigeants de l'Action française (...) repoussent tous les dogmes qu'elle enseigne. Elle enseigne l'existence de Dieu et ils la nient, car ils sont athées". Le reste est du même tonneau. Mais Andrieu va plus loin. Ainsi il écrivait : "Aussi osent-ils (les dirigeants) nous proposer de rétablir l'esclavage". Le comble de la bêtise était atteint... Inutile d'en rajouter et pourtant il y a des perles aussi étonnantes que celles que l'on peut trouver aujourd'hui dans certains manuels scolaires à propos de l'Ancien régime. Bien entendu peu après, le 29 décembre 1926, cinq livres de Charles Maurras et le quotidien étaient mis à l'index par Pie XI. Il était évident - vu l'énormité de l'accusation - que le Vatican poursuivait un but politique. Même les adversaires de l'A.F. se comportèrent, durant cette agression, d'une modération inattendue.

Et pourtant, Charles Maurras, pour son livre magnifique L'Action française et la religion catholique (Paris, Nouvelle Librairie Nationale, 1913), avait reçu la bénédiction de Pie X. En 1914, ce même pape, devant les cardinaux Sevin et de Cabrières ainsi que Camille Bellaigue, camérier de Pie X et maurrassien notoire, parlait ainsi du chef de l'A.F. : "Maurras e uno bel defensor della fide". Et le 31 octobre 1915 le cardinal Pierre Paulin Andrieu (1849-1935) ajoutait : "La petite patrie ne vous fait pas oublier la grande et vous la défendez avec une plume qui vaut certes une épée... Vous défendez aussi l'église et ce ne fut jamais plus nécessaire.... Vous défendez avec autant de courage que de talent".

Aujourd'hui encore, des haineux oublient volontiers, parce que cela les arrange, de préciser que le pape Pie XII a levé la condamnation de l'A.F. le 10 juillet 1939.

Cardinal de Cabrières
Un angevin, ancien militant de l'A.F. d'avant-guerre, me racontait, en 1970, qu'à cette époque "on voyait dans les gares des cheminots arborant la fleur de lys". Il me parlait de son "chauffeur" : un peintre en bâtiment royaliste qui le prenait en charge sur son cadre de vélo pour le conduire au siège de l'A.F. de sa ville. Le plus beau c'est que l'homme, ainsi véhiculé, appartenait à une famille de noblesse  chevaleresque (garantie croisade), que vous n'aurez aucune chance de retrouver dans Le simili-nobiliaire français (Paris, Sédopols, 2001), de Louis-Marie Dioudonnat. Celui-ci a dressé une sorte de nomenclature de la fausse noblesse à la manière de La grande flore de Gaston Bonnier (1853-1922) on me pardonnera cette étonnante comparaison, dans laquelle on trouve pléthore de fleurs d'un blanc douteux et flétri, pour certaines d'entre-elles du moins, par des achats déshonorants de biens nationaux. Un travail sur l'histoire de la propriété dans les Mauges se préparerait en ce moment et devrait contenir pas mal de révélations sur ce sujet toujours brûlant. Attendons! Notre chevaucheur sur vélo serait plutôt à rechercher du côté de l'A.N.F. (Association d'entraide de la Noblesse Française, fondée en 1932 dans « le but de venir en aide aux familles nobles »).

   J'ai parlé plus haut des nombreux médecins de l'Action française. Il y en avait quelques-uns en Anjou, à Cholet par exemple. A Angers, le Docteur Joseph Hébert de La Rousselière (†1979), je l'ai connu, avait présidé un moment la section d'Angers. Les avocats étaient aussi nombreux, comme le comte Tony Catta qui appartenait à cette mouvance comme son beau-père, René Bazin, qui figurait parmi les officiels lors de la magnifique après-midi du 25 juillet 1926 (un peu plus de trois ans après l'assassinant de Philippe Daudet, fils de Léon, le 22 novembre 1923), où 60.000 vendéens se pressaient au Mont des Alouettes, pour écouter les tribuns du mouvement, parmi lesquels Léon Daudet. Au nombre des présents il y avait le jeune Georges Grellier (†), futur membre de la Vendée Militaire et son père.
Léon Daudet

Tony Catta est d'ailleurs l'auteur d'une brochure devenue fort rare, Quatre français chez Monseigneur le duc de Guise, imprimée en 1927, un an après la condamnation du mouvement royaliste et qui se vendait au bureau de "L'Ami de la vérité", passage Pommeraie à Nantes.

A l'A.F. il y avait aussi des ouvriers vignerons. Ce dernier métier était justement celui qu'a exercé durant toute sa vie Abel Pomarède (†), né en 1906 dans une famille royaliste  et dans le petit village de Pemérols en Languedoc. Dans ses Mémoires, il se définit "comme royaliste de tradition avant de lire, à dix-huit ans, l'Enquête sur la Monarchie", de Charles Maurras, ouvrage qui a tant converti de républicains à la monarchie. Après cette lecture, Abel Pomarède se déclara alors "royaliste de conviction". Tradition et conviction c'est tellement mieux. Militant actif et passionné il était doué d'un véritable talent d'orateur pour animer les journées royalistes de sa région. Il fut très vite connu de tous et tout le monde l'appelait Abel. Parmi ses proches amis il comptait Boutang, Maurras et même le comte de Paris qu'Abel tutoyait et que le chef de la Maison de France appelait "le Prince des fidèles". Le comte de Paris l'invita aux mariages de plusieurs de ses enfants. Cela ne lui tournera pas la tête. Il restera vigneron et travaillera dans des vignes qui ne lui appartiendront jamais.

Abel Pomarède écrivit ses Mémoires d'un ouvrier vigneron royaliste qui furent publiés en 1978 et reçut le soutien de La Nouvelle Action Royaliste de Bertrand Renouvin. J'avais négligé de me procurer ce livre en ce temps-là. Fort heureusement C. Lacour, éditeur (place des Carmes, 25 bd Amiral Courbet à Nimes), a réédité ce livre en 2015 avec un avertissement de Jacques Plane. La préface de Gustave Thibon, grand ami d'Abel, figurant dans la première édition  a été conservée - Dieu merci! - dans cette seconde édition. La terre rapprochait les deux hommes. Gustave Thibon écrit : "Abel est un paysan, un ouvrier agricole, l'homme d'un lieu, d'un métier, d'une tradition, rien en lui d'un idéologue de la monarchie, le royalisme coule dans son sang avant de passer dans sa pensée". On croit lire du Jean Yole...

Abel écrira ce qui suit en 1998 : "Un jour, les français qui commencent à en avoir assez chercheront autre chose. Peut-être simplement une famille à aimer et les lys refleuriront sur le trône de France". 

Comme lui, gardons l'espérance de ces gens simples qui savent que la monarchie est notre "bien commun" venu du fond des temps et qui appartient à chaque français. C'est pourquoi il y avait des ouvriers, des cheminots, des paysans à l'Action française. Ils savaient que la monarchie était le régime le mieux adapté à chaque français. Le plus humble d'entre-eux savait que le roi était son défenseur. La monarchie reste notre espérance, notre prochain recours et tel est "le sens profond de notre "vive le Roi", comme disait Pierre Juhel. Vive le roi! ce mot est réconciliant et réjouissant. Le mot république évoque le régime des partis donc de la division permanente. Elle évoque la guillotine et les massacres de 1793 et 1794. Croyez au retour du roi. Nous ne serons peut-être plus là pour le prochain avènement, mais nos enfants ou nos petits-enfants verront la Restauration... La république tombera comme Rome, comme le mur de Berlin. Sur cela je n'ai aucun doute. "Tout désespoir en politique est une sottise absolue", disait Maurras dans L'Avenir de l'intelligence. "En république, m'a dit un homme politique, on est toujours dans le provisoire. Tout peut donc changer d'un instant l'autre". Comptons sur la Providence mais aidons-nous et le ciel nous aidera.

Dominique Lambert de La Douasnerie

Quelques exemplaires de l'ouvrage d'Abel Pomarède, Mémoires d'un ouvrier vigneron royaliste sont toujours disponibles auprès de C. Lacour, éditeur au prix de 15 euros (25 Bd Amiral Courbet, 30000 Nimes)

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