14/10/2025

Le dernier Chupin est arrivé !

Bernard Chupin, bien connu des lecteurs de l’ancien Présent, auteur de Vendée 1794 – Rwanda 1994 : deux génocides qui se ressemblent (Paris, Fol’fer, 2014), nous offre aujourd’hui un livre très original dans sa conception. Intitulé Virée de Galerne, Itinéraire de la Terreur et du pardon. Images populaires sauvées du mémoricide (Maulévrier, Éditions Hérault, 20 € TTC), il ne remplacera pas l’ouvrage quasi définitif de Pierre Gréau (†) sur ce sujet, La marche sanglante des Vendéens. La virée de Galerne (Cholet, Pays et Terroirs, 2012, 382 p.). Ce n’était sans doute pas le projet de Bernard Chupin, dont l’ouvrage s’enrichit d’une belle préface de Philippe de Villiers et d’une postface d’Hervé Louboutin, bon connaisseur de l'épopée vendéenne.

La grande originalité du livre de Bernard Chupin est de nous offrir une somptueuse corbeille de documents iconographiques qui nous permet de suivre pas à pas le parcours — véritable chemin de croix — de la grande armée catholique et royale. Pour cela, l’auteur a recueilli des documents iconographiques un peu partout. On découvre, grâce à lui, les anciennes églises, les demeures, la nature, les calvaires, croisés tout au long du parcours de soixante-sept jours accompli par les non-touristes qu’étaient les batailleurs vendéens… Soixante-sept jours ! Se doutaient-ils, nos Vendéens, que la terre était aussi grande ?

À partir des collections de cartes postales fabriquées et éditées par Maurice Chrétien, d’Angers (il avait racheté en 1924 le fonds de commerce de Valentin Laroute, 54 rue Saint-Aubin à Angers). C’est Maurice Chrétien qui fabriqua et édita le premier album des vitraux de l’église du Pin-en-Mauges. J’ai connu son fils, qui fut membre de notre association et continua l’œuvre de son père. L’un et l’autre furent, à Angers, de célèbres camelots du Roi.

Mais Bernard Chupin utilisa aussi la collection Chapeau, de Nantes, et celle d’E. Veillet, de Saint-Florent-le-Vieil, grand passionné des guerres de Vendée et de sa petite patrie. Il utilisa également des cartes vendéennes à usage personnel et non commercialisées, par exemple les cartes du marquis de Saint-Saud et, je crois, d’Ernest, marquis de Villoutreys.

On découvre encore dans le livre de Bernard Chupin des gravures, genre images d’Épinal, que l’on trouverait aujourd’hui difficilement. Ainsi, il présente un soldat de la Révolution avec la légende : « Un ancêtre de nos braves F.F.I. ». Une autre montre Marceau écrasant les Vendéens. Ce livre devrait intéresser les collectionneurs. Une autre montre "l'enterrement de la guillotine" lors de la mi-carême de Cholet en 1908. De quoi nous consoler de l'ignoble ouverture des Jeux Olympiques.

On n’en finirait plus de citer les témoignages visuels rassemblés par l’auteur. Un livre qu’il faut se procurer, le lire, puis le placer et le garder dans votre bibliothèque comme complément aux recherches de Pierre Gréau, Le Menuet de La Jugannière ou de Michel Horassius.

Les jours sont devenus plus courts. Les feuilles des arbres rougissent ou jaunissent. Elles commencent à tomber. Les matins sont déjà frisquets. Autour des premiers feux dans vos cheminées, vous aurez plaisir à lire le dernier Chupin.

                                                                                                                                                        D.L.



20/08/2025

Le royalisme aujourd'hui d'après Lucien Rabouille


 Le roi : une autre histoire de la droite,
par Jean-Baptiste Roger-Lacan (Passés composés, 2025). Jacques Villemain vient de nous communiquer une recension de ce livre par Lucien Rabouille et publié par le Causeur (18/07/2025), récession que nous n'hésitons pas à publier à notre tour.

"Dans son essai érudit, Baptiste Roger-Lacan analyse moins le royalisme comme un courant politique que comme un imaginaire, une esthétique, une nostalgie. Et la droite continue de parler son langage : celui de l’orgueil blessé des perdants… 


« On pense à Louis XVI, on est mal à l’aise » chantait déjà Jean Yanne en épilogue sonore de son film Liberté, égalité, Choucroute. « On se dit que c’est des ancêtres à nous qui lui ont coupé le cou… » Les Français célèbrent la Révolution chaque 14-Juillet, mais regrettent que le sang de Louis XVI l’ait entachée. La gêne dont se moque Jean Yanne est tenace, ancienne et bien répandue, à en croire Baptiste Roger-Lacan, normalien, agrégé, docteur en histoire contemporaine, enseignant à Sciences-po, qui signe avec Le Roi : une autre histoire de la droite (collection Passés Composés), une étude du « spleen royaliste » qui hante la droite française depuis la fin du XIXe.

Grand absent

François Furet avait bien montré que le régicide de 1793 avait certes tué le corps physique du roi mais pas le besoin de paternité politique. À chaque crise politique, la France cherche un homme providentiel pour remplacer le monarque aboli : Napoléon Ier, Napoléon III et bien sûr le Général de Gaulle instituant avec la Ve République un « monarque républicain comme substitut ». Notre République a les allures d’une monarchie sans sacre ni transcendance, sans velours ni faste ni pompe ni couronne et où rôdent comme un spectre les lustres d’une gloire éteinte. N’est-ce pas le ministre de l’Économie Emmanuel Macron qui notait en 2015 dans la revue Le 1 hebdo : « le grand absent en démocrate, c’est la figure du roi » ?

Il reste pourtant assez peu de royalistes… Ces derniers, en politique, n’ont jamais fait de merveilles. Emportées par les révolutions de 1830 et 1848, les restaurations ont échoué. Et les monarchistes, même avec un jeu gagnant, se sont toujours couché à la deuxième mise… En 1871, dans la déroute de Sedan, une assemblée royaliste est élue. Or les différentes tendances et prétendants s’engueulent sur des sujets aussi essentiels que… la couleur du drapeau ! Le petit-fils de Charles X, le comte de Chambord, refuse alors obstinément de troquer «son » drapeau blanc contre le tricolore. C’était la dernière chance de restauration de la monarchie, et la droite n’en fit rien.

Le roi est mort… vive le royalisme !

L’agonie de la monarchie française fut longue, souvent pathétique mais jamais dénuée de beauté. C’est ce que l’on retient de la lecture de l’ouvrage de Baptiste Roger-Lacan. Il nous promène parmi les abbés, les mémorialistes vendéens et les romanciers historiques qui ont cultivé le souvenir du roi pendant que les royalistes perdaient ou abandonnaient la partie politique. Les bonnes familles catholiques empilent dans leurs bibliothèques les ouvrages larmoyants sur les martyrs de la Terreur. On découvre avec l’auteur la Marie-Antoinette sensible et larmoyante de Pierre de Nolhac, conservateur à Versailles à la fin du XIXe, qui a fait redécouvrir aux visiteurs du château les écritures et objets personnels de la Reine. Il y a des galeries de portraits de la Terreur (bourreaux et victimes) de G. Lenôtre (nom de plume de Théodore Gosselin) qui écrit les vies minuscules (et raccourcies) des gens de la guillotine. On comprend à la lecture de l’ouvrage que la Contre-Révolution sert moins à ramener le roi que faire pleurer dans les chaumières. Les écoles catholiques et patronages religieux cultivent la martyrologie des carmélites de Compiègne et des héros du bocage vendéen. L’attachement monarchique est moins un choix ou un projet politique qu’une émotion collective nourrie de deuils et de réceptions mondaines. Parfois aussi d’excentricités. Qui se souvient du naundorffisme ? Un royalisme alternatif à la frontière de l’ésotérisme qui imagine que Louis XVII, le petit roi, fils de Louis XVI, n’est pas mort à la prison du Temple en 1795, s’est échappé et a engendré une nouvelle lignée.

À défaut de régner, la monarchie française a su se vendre et coller à tous les goûts excentriques, poétiques, littéraires, feuilletonistes, patrimoniaux du XIXe siècle. C’est du moins ce dont l’auteur par ses listes interminables parvient à nous convaincre.

Quand Proust lisait Maurras… 

Et puis vint Charles Maurras… Lui prit tout cela très au sérieux. Il a fait des théories, des doctrines, il a mis la monarchie en équation. Il ressort les penseurs comme Burke ou Maistre, s’en approprie d’autres tels Auguste Comte, Taine et Fustel de Coulanges. Comme dans L’Education Sentimentale, il monte un club de l’Intelligence royaliste – quand celui de Flaubert était républicain. Ce sera l’Action Française. Une ligue mais surtout un quotidien très lu et renommé, « une cure d’altitude » disait Marcel Proust frappé par la qualité des articles signés d’esprits souvent agiles ou de polémistes fort en gueule. La plume vedette, Jacques Bainville connait un succès considérable avec son Histoire de France et son Napoléon dont Baptiste Roger-Lacan nous raconte tous des dessous éditoriaux chez Fayard (déjà éditeur de droite…). Baptiste Roger-Lacan insiste : l’académie est alors un pôle réactionnaire.

Roger-Lacan décrit bien la puissance de cette machine doctrinale qui attire à elle une jeunesse intellectuelle et bourgeoise catholique qui se sent un peu coincée entre une réaction tiède à papa et une Église qui ne répond pas à son désir de radicalité – situation étrangement similaire à celle d’aujourd’hui. Mais si attractif et armé intellectuellement qu’il a pu l’être, ce néoroyalisme n’échappera pas aux compromissions de l’entre-deux guerre. Des rapprochements douteux nourrissent des amitiés particulières avec le fascisme ou des fixettes antisémites… À force de ruminer l’attente d’un roi qui ne vient pas, on finit rattrapé par des vieux démons. Résultat : en 1945, Charles Maurras est condamné à l’indignité nationale, l’Action Française liquidée et l’auteur y voit la dernière mort politique de la monarchie.

Chouans un jour, chouineurs toujours 

Fin de l’histoire ? Le roi ne reviendra plus. Il ne le peut plus. Chez nous les rois, on les renverse, on les décapite… puis on les encadre. On en fait des timbres, des séries télés, des mugs à la boutique du château de Versailles… L’échec est un capital mémoriel que la droite rentabilise assez bien sur le marché des sensibilités, des mémoires et de la création littéraire.

C’est sans doute le romancier Jules Barbey d’Aurevilly qui l’a le mieux compris : la monarchie passe de la ferveur à la fiction. Plutôt que de régner, elle brille encore comme inutilité rayonnante. On ne s’étonnera pas que la République – ou plutôt l’Éducation nationale fasse commenter L’Ensorcelée cette année aux Premières pour le baccalauréat de français. Le royalisme finit encadré, vitrifié et finalement annoté. Si en deux siècles les réacs n’ont jamais su trop quoi faire de leurs rares victoires, ils savent en revanche donner du lustre à leurs défaites. De l’art de perdre avec fanfare, champagne et naphtaline.

360 pages

Price: 23,00 €



30/06/2025

Savoir 151-152 vient de paraître

Le dernier numéro de notre revue Savoir est chez l'imprimeur depuis quelques jours. 
Il s'agit du numéro 151-152, mars - juin 2025. 
En attendant de le recevoir vous pouvez en consulter quelques extraits 
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