31/12/2013

Au revoir Joseph Rivereau

Vue de Chaudron-en-Mauges et de son église
   Je reviens des obsèques de Joseph Rivereau, notre ami. Une église pleine à craquer, des amis, des fidèles priant avec ferveur. Une paroisse, Chaudron-en-Mauges, restée fidèle à la foi des ancêtres. Une cérémonie très digne, présidée par le P. Yves de Lammerville qui connaît bien la famille Rivereau. Pendant la cérémonie il a été dit que notre ami était le "champion de la généalogie", qu'il aimait la terre, le travail – il était maraicher et travaillait parfois douze heures par jour –, les traditions (il a été baptisé dans l'église de Chaudron, il s'y est marié, il a voulu que sa messe de sépulture ait lieu dans cette église, et il repose dans le cimetière de Chaudron,  avec ses ancêtres...) Joseph est né un 14 mars. Sans doute rappelait-il à ses amis que le 14 mars 1793 Stofflet et Cathelineau s'étaient emparés de Cholet. Notre ami aimait l'histoire. Au cours d'un récent déjeuner de la Vendée Militaire, je l'ai entendu parler, avec une rare précision, des épidémies en Anjou au XVIIIe s. 
   On décelait dans le regard de Joseph beaucoup de bonté. Cette bonté était bien réelle. Beaucoup de nos amis peuvent en témoigner. Un jeune de la Bretesche, au Mesnil-en-Vallée (sous la Révolution cette belle demeure appartenait à la famille Vollaige de Vaugirault), nous a donné à ce sujet, un beau témoignage. A la Vendée Militaire, la seule peine qu'il nous aura faite, est celle de nous avoir quitté le 28 décembre... 
   Nous n'oublierons pas Joseph Rivereau. Joseph était un fervent chrétien. Il avait une grande dévotion pour la Vierge Marie, la suzeraine de l'Anjou.
   Que "la terre des géants et des genêts en fleurs" lui soit douce...

Dominique Lambert de La Douasnerie

30/12/2013

Ephémérides des 30 et 31 décembre 1793 – Petits échos de la Vendée angevine

L. Prudhomme, Dictionnaire des individus envoyés 
à la mort judiciairement, 
révolutionnairement et contre-révolutionnairement 
pendant la Révolution, 
particulièrement sous le règne 
de la Convention nationale, Paris, 1796.
- 30 décembre :

Les bleus se portent à Coron, puis à Chanteloup. Des Vendéens viennent de sortir de ce dernier bourg, "après avoir mis à mort dix à douze patriotes (...). Les rapports sur le nombres des insurgés varient depuis 300 jusqu'à mille ou douze cents".

- Le général républicain Legros occupe Saint-Florent.

- 31 décembre 

- Les administrations siégeant à Vihiers, se replient au ci-devant château de Vaillé, paroisse de Nueil.
- En cette fin de décembre 1793, 3 ou 400 rescapés de l'outre-Loire s'installent dans le segréen. Premier noyau de la chouannerie angevine. Ainsi Ménard dit Sans-Peur et Hodé dit l'Extermine sont signalés dans la région de Marans de de Loiré.

- Des angevins se portent vers la "prée" de Sainte-Gemmes où les attendent un spectacle ahurissant. Des centaines de cadavres de Vendéens jonchent le sol.

Credo pour affermir notre foi de vendéen


En Mémoire de Joseph Rivereau

http://www.dailymotion.com/video/x2tg7b_croisade-deus-lo-veult_travel
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29/12/2013

Décès de Joseph Rivereau

Le président et le Comité directeur de l'association 
Vendée Militaire 
ont la tristesse de vous annoncer le retour à Dieu 
de leur adhérent et ami :
Joseph Rivereau
décédé le samedi 28 décembre 2013,
en début d'après-midi à l'âge de 58 ans

   Excellent généalogiste – il était apparenté à une partie des Mauges : les Cathelineau, les Pionneau, les Guinhut (de La Chaperonnière en Jallais), les Lizé et les Boussion, de La Saugrnière, les Uzureau, etc – et bon connaisseur de l'épopée vendéenne, Joseph était toujours prêt à partager son savoir avec les adhérents de la Vendée Militaire. Il était très attaché à notre mouvement.
Les obsèques de Joseph auront lieu le mardi 31 décembre, en l'église de Chaudron-en-Mauges, au cœur de la Vendée angevine, à 14h30. Merci à tous ceux qui pourront y assister.

   La Vendée Militaire présente à Mme Rivereau, son épouse, à ses enfants et parents, ses biens sincères condoléances et l'assurance de ses prières.

Des rappeurs chantent la Vendée. Ecoutez attentivement les paroles...

28/12/2013

Ephémérides des 27, 28 et 29 décembre 1793

27 décembre :

- Odieux massacre de plusieurs centaines de Vendéens dans la "prée" de Saint-Gemmes. Ces vendéens, "préalablement mis à nus", sont fusillés en bloc. Ceux qui, malgré les décharges à bout portant, donnent encore signe de vie sont achevés sur place. La plupart de ces victimes s'étaient rendus volontairement après la mi-septembre 1793, sur promesse d'amnistie. Avant leur exécution, ils avaient été emprisonnés dans la cathédrale d'Angers. Pour certains auteurs, ces fusillades eurent lieu pendant "huit jours de suite". Pour l'abbé Simon Gruget, curé de La Trinité d'Angers, les fusillades eurent lieu les 27, 28 et 29 décembre 1793. Au moins 1500 personnes furent fusillées dans la "prée" de Sainte-Gemmes. On sait que les cadavres d'une trentaine de ces Vendéens furent écorchés et leurs peaux tannées... Un certain Robin, témoin de toutes ces horreurs, raconta à Victor Godard-Faultrier (1810-1895), le 31 mai 1852 : "Je puis vous affirmer qu'ils étaient écorchés à mi-corps, parce que, continua-t-il, on coupait la peau au-dessous de la ceinture, puis le long de chacune des cuisses jusqu'à la cheville des pieds, de manière qu'après son enlèvement, le pantalon se trouvait en partie formé; il ne restait plus qu'à tanner et à coudre". Le 2 octobre 1859, une croix des Martyrs, une simple croix de bois fut élevée près de la prairie de Sainte-Gemmes en souvenir des massacre de décembre 1793. Cette croix fut remplacée par une croix de pierre qui fut inaugurée le 3 octobre 1869.

28 décembre :

Le prince de Talmont
- On massacre aux Ponts-de-Cé.
- Rescapé de l'outre-Loire, le prince de Talmont qui se cachait dans la forêt du Pertre, se risque à sortir de son refuge pour se rendre dans une maison de Bazouges-du-Désert afin d'y recueillir des renseignements. Il y est arrêté par des gardes nationaux qui ignoraient son identité. Bientôt reconnu, il est transféré de Fougères à Rennes, de Rennes à Vitré et de Vitré à Laval.
- Le district de Vihiers ordonne d'arrêter : Mme Guéniveau et sa fille, de Saint-Lambert-du-Lattay. M. Guéniveau était membre du Comité royaliste de Saint-Lambert. Mme Dejoui et sa fille, femme et fille d'un membre du Comité royaliste de Saint-Lambert-du-Lattay. Le même district ordonne d'arrêter également Mme Banchereau, de Saint-Lambert.
- Continuation des fusillade dans la "prée" de Sainte-Gemmes.

29 décembre :

- Des insurgés de retour d'outre-Loire paraissent en bande à La Plaine et à Somloire.
- Turreau, depuis longtemps déjà nommé au commandement en chef de l'armée de l'Ouest, arrive à Nantes...

26/12/2013

Ephémérides du 25 et 26 décembre 1793

      – 25 décembre 1793 :

* Pierre Allard fait sa soumission et dépose ses armes à sa municipalité de Thouarcé. Il est fusillé dans "la prée" de Sainte-Gemmes, près des Ponts-de-Cé.

* Venant du Mans, à la suite de l'armée républicaine, la Commission militaire s'installe à Savenay avant de se rendre à Nantes. Dès le 23 décembre, à Savenay, elle fait fusiller 288 traînards de l'armée royale. 

* Le 25 – en guise de joyeux Noël – la Commission fait fusiller à Savenay 188 victimes. Dans cette seconde hécatombe de nombreuses paroisses du pays insurgé sont représentées : huit victimes appartiennent à la ville de Cholet, six à celle de Chanteloup, quatre à la Chataigneraie, quatre des Herbiers, quatre de Saint-Georges de Montaigu, trois de Chambretaud, trois de Vezins, trois de Trémentines, etc.

* A la Convention : discours de Robespierre sur le gouvernement révolutionnaire. Il prononcera la deuxième partie de ce discours le 5 février. Malgré ses moyens expéditifs et sa forme dictatoriale, le gouvernement révolutionnaire était légitime, selon Maximilien, car son seul but était le salut du peuple. "Terrible aux méchants mais favorable aux bons". Il avait comme ressort la vertu appuyée sur la terreur, "la vertu sans laquelle la terreur est funeste, la terreur sans laquelle la vertu est impuissante." La terreur, tempérée par la vertu devenait donc un moyen de gouvernement.

– 26 décembre 1793 :

Noyade de Nantes (gravure allemande)
* A Savenay, la Commission militaire condamne à mort 185 victimes.

* A Nantes, Carrier décide de noyer 1 200 personnes d'un seul coup. Un jacobin qui vient d'arriver à Nantes écrit : "Ici, on emploie une manière inusitée de nous débarrasser de la mauvaise engeance des brigands. On met tous ces coquins dans des bateaux qu'on fait ensuite couler à fond. On appelle cela envoyer au château d'eau". (faisant allusion aux château d'Aux dans le voisinage de Nantes), "en vérité si les brigands se sont plaints quelques fois de mourir de faim, ils ne pourront se plaindre qu'on les fasse mourir de soif". De l'humour noir – ou bleus! – sans doute...

20/12/2013

Conte de Noël : La crèche de Louise, par Dominique Lambert de La Douasnerie

        Au cœur du bocage, la métairie de la Guignardière était éloignée de tout. Le bourg le plus proche était à une lieue et pour l’atteindre il fallait franchir un nombre incroyable d’échaliers, sorte de petites échelles - échales - que les paysans posaient au coin d’une haie, entre deux champs appartenant à deux exploitations différentes, et sur le passage d’un sentier de piétons. Quand on était braconnier, il fallait se défier des échaliers, car les gardes se "cutaient" souvent à proximité, prêt à vous saisir à votre passage. Il fallait donc enjamber les échaliers, sport sans doute amusant pour les jeunes, mais pour les vieux... Bien sûr, il y avait le chemin creux, mais il était rarement praticable d’un bout à l’autre de l’année. A chaque instant, il fallait faire attention aux «chapelets», longue théorie «de petits trous et de légers monticules» pratiqués par le piétinement des bœufs. C’était cependant le chemin que préféraient les plus anciens. Certes, l’hiver on arrivait crotté au village, mais sans être obligé d’escalader ces fichus échaliers où l’on risquait, les jours de fêtes de déchirer son "nocial". C’étaient encore des chemins tout aussi difficiles, et qui reliaient les fermes entre elles, que l’on empruntait, à partir de la Saint-Michel, pour aller aux veillées. Le soir, à la tombée de la nuit, la famille s’avançait en rang d’oignon par ces chemins, la marche éclairée devant et derrière par un falot. Le chef de famille n’oubliait pas de se munir de la «fourche à loup», pour le cas d’une « malencontre ». Il est vrai que ces chemins permettaient parfois de singulières rencontres. A ce sujet, voici ce que l’on racontait dans les métairies et les borderies de la région de Beaupréau. Un jour l’abbé de Mergot (curé d’Andrezé de 1858 à 1887), se rendant dans une métairie par l’un de ces chemins, tout en "bourbitant" son bréviaire, surprit l’une de ses paroissiennes qui, se croyant seule, était dans une position qui en disait long sur les fonctions naturelles qu’elle accomplissait. La brave femme toute confuse voulut se relever. Mais d’un geste amical l’abbé la retint : «Restez, ma fille, restez, j’aime mieux voir la poule que l’œuf.»

        Le métayer, Pierre Thomas, est mort à 90 ans, en 1910. Il était donc né en 1820, l’année de l’assassinat du duc de Berry et de la naissance du duc de Bordeaux. C’était au temps du Roi Louis XVIII. Le frère de Pierre avait reçu le prénom de Charles, parce que né en 1824, l’année de l’avènement de Charles X. On était comme ça chez les Thomas. Leur père, Louis, métayer à la Guignardière, comme l’avaient été tous ses ancêtres, avait pris les armes avec les Vendéens en 1796, 1799 et 1815. En 1832, il avait fait partie de la bande de Delaunay qui chouannait dans la région de Maulévrier. A l’affaire des Aubiers, en 1799, il avait reçu une blessure au bras gauche. Son capitaine, Louis Durbecé, l’avait ramené à la Guignardière en croupe sur son cheval. C’est encore ce Louis Thomas qui déclarait n’aimer «que le vin blanc et le drapeau de la même couleur». Et de ce fait, Pierre ne rechignait pas à trinquer avec les bons amis, notamment ses anciens camarades de l’armée royale. Rien de tel qu’un petit coup de vin clairet pour aider à délier la langue, et il avait tant de souvenirs à raconter le métayer de la Guignardière. Or, un jour -et par malchance, c’était un vendredi Saint- Louis traversa le village en titubant légèrement. La marquise de C... passait à ce moment et fut scandalisée:

        - Comment père Thomas, vous n’avez pas honte, un jour pareil!

       Et Louis Thomas de répondre:

        - Qu’y a-t’il d’étonnant, madame la marquise, que le jour où le Christ est mort l’humanité chancelle!

        Évidemment le mot a été inventé après coup. Mais il en dit long sur le personnage qui était d’ailleurs adoré des gens du pays.

        Ce Louis était lui-même fils de Pierre -le grand ancêtre- qui avait fait la «grand guerre», depuis le début jusqu’à la fin. Il avait été l’ami de Sébastien-Jacques Cady, de Saint-Laurent-de-La-Plaine et chantait les chansons du célèbre chirurgien. Le dernier descendant direct de cette famille les chantait encore un peu avant sa mort survenue en 1971. L’auteur de ces lignes a pu -in extremis- enregistrer quelques-unes de ces chansons. Pierre Thomas est mort en 1843, il avait 83 ans. Il s’était marié à l’âge de 20 ans et avait eu, d’une "jeunette" de 16 ans, deux beaux enfants: un garçon et une fille. Agé de 33 ans en 1793, Pierre avait rejoint les «batailleurs» dès la prise d’armes. Son frère Jean  le suivit, mais il fut tué à Cholet le 14 mars. Leur père n’existait plus au moins depuis dix ans. Leur mère, Louise Bridonneau fut prise dans la déroute du mois d’octobre et traversa la Loire avec l’armée vendéenne. Elle mourut de misère dans les prisons du Mans. C’est justement à cause de la "galarne" que Pierre s’est retrouvé seul à la Guignardière et qu’il lui est arrivé l’histoire que je vais vous conter. C’est lui-même, le héros de cette histoire, qui l’a transmise à son petit-fils, Pierre, mort en 1910, lequel l’avait raconté "ben souvent" à Jean Thomas, son petit-fils, que j’ai connu et qui est mort, comme je l’ai dit, en 1971. Il faut dire que Pierre, mort en 1910, était une vraie "goule de foire" et qu’il était intarissable sur l’histoire de sa famille et de la Vendée.

        Pierre Thomas, le batailleur de 93, n’avait donc pas traversé la Loire. Blessé à Châtillon, il n’avait pu suivre l’armée, mais avait engagé sa mère à se joindre au long cortège qui s’acheminait vers Beaupréau. Quand à lui «il s’arrangerait», c’est du moins ce qu’il avait déclaré à sa mère. Bientôt le pays était redevenu calme, la campagne semblait vide de ses habitants et seul le meuglement des animaux troublait le silence obsédant. Certes, quelques jours après cette formidable «transhumance», les habitants restés dans les métairies se recherchèrent. Mais bientôt on évita de se voir, on chercha même à se faire oublier. En effet, les «patauds» de retour au pays en profitaient pour dresser des listes d’individus suspects et recherchaient les parents, les femmes et les enfants des «brigands» passés outre-Loire. Il fallut se cacher dans les genêts et dans les bois. C’était dans le temps où l’armée vendéenne avait été écrasée, mais Pierre Thomas ignorait la grande déroute de Savenay. Il ignorait aussi que quelques «gas» de sa paroisse, rescapés de la «galarne» étaient de retour au pays. Mais eux aussi se cachaient.

        Pierre avait élu domicile dans une immense lande où autrefois il menait les animaux de son père qui se régalaient des jeunes pousses des genêts. De temps en temps, il sortait de son repaire -une cabane faite de branchage- et se débrouillait pour trouver, ici ou là, de quoi se nourrir dans les fermes abandonnées. «Il trouvait aisément des œufs, me racontait Jean Thomas, puisque personne en dehors de lui n’était là pour les ramasser». Il se procurait aussi facilement du lait. En effet, nombreux étaient les animaux errants.

        Mais Pierre n’était pas seul. Un soir, vers le 20 décembre, alors qu’il était dans sa cabane, étendu sur une paillasse qu’il avait amenée de la Guignardière, Pierre entendit du bruit. Malgré sa peur, il eut le courage de se lever légèrement et de regarder à travers les branchages. Il aperçut alors une petite fille qui «parlait aux étoiles». Il s’assura qu’elle était seule, puis il sortit, s’approcha d’elle doucement et lui posa la main sur la bouche pour l’empêcher de crier. L’enfant se débattit, mais il lui expliqua qu’il était un proscrit, blessé et qu’il se cachait, comme elle sans doute. L’enfant rassurée raconta son histoire. Elle s’appelait Louise, était âgée de 10 ans et venait d’une ferme au- delà de Chemillé. Son père avait été tué dans un choc du côté de Vihiers. Elle avait suivi l’armée avec sa mère; l’un de ses frères marchait avec les insurgés. Après la bataille de Cholet, en octobre, elle et sa mère s’étaient laissées emporter par la foule qui marchait vers Saint-Florent-le-Vieil. Elle tenait la main de sa mère et marchait, marchait. Mais, vers Saint-Pierre-Montlimart, «pour se gratter la tête», elle avait quitté la main de sa mère; quand elle voulut la reprendre, la maman n’était plus là, perdue dans cette monstrueuse cohue. Alors, elle courut à travers la foule, en vain. Elle pleura, mais personne ne s’occupa d’elle. Enfin, elle s’assit, regarda, hébétée, la foule passer devant elle, et s’endormit. Quand elle se réveilla au petit matin, la route était déserte. Le cœur gros elle marcha vers sa maison, mais ne savait pas par quel chemin s’y rendre. Sa maison était une ferme, à chaque instant elle croyait l’apercevoir. Enfin, elle s’arrêta dans la genêtière où vivait Pierre Thomas et se construisit un abri en bordure du chemin.

        Nous étions dans les temps de Noël et chaque jour Pierre Thomas retrouvait la petite Louise, lui donnait de quoi se nourrir et lui cueillait des épines noires pour tenir ses cheveux. Dans sa cabane, assis l’un près de l’autre, il lui sculptait, dans de petites bûches, les personnages de la crèche. Tout en travaillant, il lui racontait les Noëls d’autrefois, les Noëls d’avant la persécution. Car la toute petite fille, malgré ses dix ans, avait tant vécu que tout lui paraissait lointain. Il racontait le mois de décembre si doux dans les métairies.

        En décembre
        Fait autour du feu vacillant dans la chambre,
        Les chaises se toucher.

        La petite savait que personne ne devait entrer dans les tets pendant la nuit de Noël, à l’heure de minuit, sous peine des plus grands malheurs. En effet, les bêtes "aumailles" ne veulent pas être dérangées à l’heure où le bœuf et l’âne ont à réchauffer l’enfant naissant dans la crèche. Pierre lui racontait la longue veillée où l’on se réunissait autour du foyer brillant de longues flammes pour entendre le récit de la simple et grande histoire de la nativité. Comme on était bien autour de l’âtre où se rassemblait la famille! La messe de minuit, les cantiques d’autrefois, et Pierre chantonnait:


                Chantons, peuple angevin,
                Noël d’un chant modeste;
                De cœur pur et bénin,
                Pour célébrer la fête
                De la sainte naissance
                Du messie promis,
                Qui répare l’offense
                Qu’Adam avait commis

        Comme tout cela semblait loin, mais c’était si bon d’y penser et d’en parler. Le soir, la petite fille regagnait sa cabane emportant avec elle les personnages sculptés par Pierre Thomas

        Le 24 décembre il gelait. Pierre et Louise parcouraient la genêtière pour se réchauffer. Soudain, dans le «mitan de la ressiée», ils entendirent des bruits de pas sur le sol glacé du chemin. Le bruit était encore lointain, mais il se rapprochait. Pierre eut tôt fait de grimper dans un arbre pour voir qui venait: un ami, un ennemi? Il ne fut pas long à reconnaître l’homme à la démarche sonore. C’était un maquignon qu’il avait rencontré autrefois aux marchés de Cholet, de Chemillé et de Montrevault. Il avait toujours l’air maussade et ce n’était pas pour rire comme un «ragassoux-la-moustache»; non certes, il n’avait rien d’un «réjoui bon temps.» Sa moitié se donnait des airs et méritait bien le surnom de «Perrine du Gué, marraine du chat» que l’on donnait à ces femmes là. L’homme tenait à la main un bâton à riboule. Ce bâton se terminait par une grosse excroissance de racine taillée en boule. Une arme redoutable.

        L’homme se rapprochait... Le maquignon était devenu un farouche «pataud» redouté de tout le monde. Il avait fait la guerre aux prêtres réfractaires et aux fidèles qui assistaient à leurs messes ou aux pèlerinages. Quand la guerre s’était déclarée, prudemment le bonhomme avait quitter le pays. Mais depuis le passage de la Loire il était revenu, encore plus «glorieux» et sans doute avec des intentions pas très catholiques.

        Pierre recommanda à Louise de retourner dans sa cabane et de ne pas en bouger tant que l’homme ne se serait pas éloigné de leur retraite. Lui-même rejoignit son repaire.

        Les pas de l’homme se rapprochaient de plus en plus. La petite fille, blottie sous les branchages, retenait son souffle. Elle mourait de peur et ne put s’empêcher de pousser un cri au moment où l’homme passa devant sa cabane. L’homme s’arrêta, écouta un moment. Il avait peur, sans doute, de s’aventurer dans les genêts et de tomber dans un piège. Il y avait tant de proscrits dans ce pays. Pourtant, n’entendant plus de bruit, il s’approcha de l’endroit, tout près du chemin où il avait entendu crier. Pierre, de sa cabane, assista à toute la scène. Il vit l’homme s’approcher de la petite fille qui était accroupie. Alors le maquignon, sans un mot, leva très haut son bâton à riboule et frappa violemment la petite Louise à la tête. Après ce geste -un seul- l’homme proféra quelques obscénités et s’éloigna.
        Pierre resta un long moment immobile, comme pétrifié. L’homme était loin maintenant, on entendait encore vaguement son pas résonnant dans le lointain. Alors, Pierre s’approcha à petit pas de l’enfant. Elle était recourbée sur elle-même, son sang inondait le sol. Elle tenait dans sa main un «petit Jésus» que Pierre avait sculpté la veille. Dans la nuit -la nuit de Noël- Pierre enterra Louise au bas de la grande pièce, près des Rochettes, là où s’élève aujourd’hui un grand chêne. Cet arbre a été planté par la famille Thomas, pour marquer l’emplacement de la sépulture de l’enfant.

        Pierre garda toute sa vie les personnages de la crèche qu’il avait sculptés pour Louise: le petit Jésus, Marie et Joseph. A chaque Noël il disposait ces objets dans la crèche de son foyer. Cette crèche s’est transmise de génération en génération dans la famille Thomas, toujours placée près de la cheminée de la Guignardière. C’est là que Jean Thomas entendit «ben des fois à la Noël» raconter l’histoire de la petite Louise dont on ne savait même pas le nom de famille. Quand l’aïeul avait finit son récit, il se faisait un grand silence dans la maison. C’est à peine si on distinguait le tic-tac de la vieille horloge. Chacun, la tête pleine de cette histoire, fixait, comme fasciné, la flamme du foyer. Enfin, l’ancien tirait sa montre:

        - «Le bon Dieu va bientôt naître, disait-il, il est temps de partir à la messe».

        Il ajoutait, en jetant sur l’assemblée un regard qui en disait si long:

        - «Vingt quatre ans plus tard, à la Noël 1817, le maquignon plus que maudit, le «raoudit» fut retrouvé noyé dans son puits !»

        Louise était vengée...
       

        Dominique Lambert de La Douasnerie

13/12/2013

Pour Dieu et le Roi... en Vendée

" S'il vous plaît, racontez-nous une histoire Grand-Mère ! Quémandent les enfants.
- Une histoire de chevaliers et de dragons ! dit Emile.
- Non, s'écrie Françoise, l'histoire de la gentille Cendrillon et de sa pantoufle !
- Et si vous racontiez celle de ce mouchoir rouge sang que vous gardez près de votre livre de prières ? demande Madeleine. Maman m'a dit que c'était une longue histoire. "
En huit chapitres une Grand-Mère raconte à ses petits-enfants l'histoire de la guerre de Vendée qu'elle a vécue : comment et pourquoi elle a eu lieu, ce qu'on appelle la virée de Galerne, les colonnes infernales et la Terreur, la " pacification " de la Vendée, et enfin l'histoire du briseur de calvaires. Simple et émouvant, sous forme de dialogues, le récit permettra au jeune lecteur de vivre aux côtés des Vendéens leur quotidien, leurs batailles, leurs souffrances et leurs joies. Il connaîtra l'histoire du mouchoir de Cholet, mouchoir appartenant à Monsieur Henri qui pansa le bras de l'oncle René blessé, fils de la Grand-Mère narratrice. Il sera témoin du Pater de monsieur d'Elbée et du pardon de monsieur de Bonchamps qui demandaient la grâce des prisonniers, etc.

Ce livre est le premier publié sous la marque "Editions des Petits Chouans", 12 €

10/12/2013

Nouveaux points de vente de notre revue Savoir

On peut se procurer notre revue Savoir également au prix de 12 € :

- Librairie Notre-Dame de France, 21, rue Monge, 75 005 Paris
- Librairie Duquesne Diffusion, 27 avenue Duquesne, 75 007 Paris
- Librairie Dobrée, 14 rue Voltaire, 44 000 Nantes

05/12/2013

Parution du n°105 de la revue Savoir, la mémoire vendéenne

Cliquez sur l'image pour consulter 
des extraits de la revue

  Le n°105 de notre revue Savoir vient de paraître. Il sera mis sous plis dans les prochaines heures. Le numéro 106 – dernier numéro de l'année 2013 – parviendra aux adhérents de la Vendée Militaire à la fin du mois de janvier 2014. Le premier numéro de l'année 2014 – le n°107 – sortira au mois de mars.
   Nous vous souhaitons une bonne lecture du 105 et nous attendons vos commentaires. 
   En attendant de vous retrouver le 21 janvier prochain à Chemillé, dans le vivant souvenir de Louis XVI, et du royaume des lys, nous vous présentons nos amitiés vendéennes.
                                   Savoir

02/12/2013

Ephémérides décembre 1793

- La misère partout :
   - " D'honorables lambeaux couvrent l'homme qui jadis vivait couvert d'habits de soie. "Le pain de l'égalité"* honore la table du riche, et celui qui craignait la rudesse du maroquin le plus souple, marche aujourd'hui gaiement avec des sabots mal façonnés" (Deniau, 1ère ed., t.III, p.166)
La disette du pain au cours de l'hiver 1794-1795
* Avec la loi du maximum, on fabriqua le pain de l'égalité accessible à tous. Les boulangers n'avaient le droit de faire qu'une seule sorte de pain. En décembre 1793, on distribua des cartes de pain.
     - Une vague de froid arrive en Anjou.
   - En prévision du siège d'Angers par les vendéens, les administrateurs du département de Maine-et-Loire autorisent "le maire et officiers municipaux de la commune d'Angers à requérir des voitures en prévision de l'évacuation de tout ce qui est précieux". Réquisition également des flambeaux qui peuvent se trouver soit chez les épiciers, soir chez les ciriers de la ville d'Angers, soit dans les bureaux des administrations et comité révolutionnaires d'Angers, à l'effet de servir à allumer au premier ordre les incendies que la défense de la place exige. Des prisonniers sont dirigés sur Orléans, parmi eux Martin du Chesnay, curé de Saumur.

     - Venant de La Flèche, les Vendéens arrivent à Pellouailles-les-Vignes, à 11 km d'Angers.