Banderole

Samedi 26 avril. Journée de la Vendée Militaire avec Assemblée générale à Saint-Christophe-du-Bois près de Cholet. La journée se déroulera toute entière au Prieuré de La Haye, complètement restauré par ses nouveaux propriétaires, José et Sophie Aspecada. Au début du mois d'avril 1795, Nicolas Stofflet rencontrera le général Canclaux pour parler de la paix. Dans ce numéro de Savoir vous trouverez le programme de cette journée toute champêtre, avec buffet campagnard, saynète vendéenne, bénédiction d'une plaque commémorative. N'oubliez pas cette date.

06/02/2017

Jacques Villemain, Vendée, 1793–1794. Crime de guerre ? Crime contre l’humanité ? Génocide ? Une étude juridique

Le géno­cide vendéen

     Nous ren­dons régu­liè­re­ment compte des livres por­tant sur les guerres de Vendée, objet d’un débat his­to­rio­gra­phique et poli­tique majeur depuis plu­sieurs décen­nies. 
    La querelle des historiens tourne aujourd’hui autour de la ques­tion du génocide per­pé­tré par la Conven­tion, nié par les uns, affirmé par les autres. Le débat rebondit avec la publica­tion de l’étude du juriste Jacques Villemain qui verse des pièces capi­tales au dos­sier. 
   Ecrite avec clarté et sans jar­gon juri­dique, fon­dée sur une lec­ture minu­tieuse des dif­fé­rents tra­vaux his­to­riques, cette ana­lyse consti­tue un réel tour­nant. L’auteur n’hésite pas à dési­gner les lacunes du tra­vail des his­to­riens empri­son­nés dans leur démarche com­pa­ra­tive, à la fois juges et par­ties, et qui ignorent la défi­ni­tion juri­dique d’un géno­cide quand ils ne s’en moquent pas pure­ment et sim­ple­ment. 
    Or, pour un juge « chaque fait cri­mi­nel est consi­déré comme unique pour lui-même et confronté non pas à un autre fait cri­mi­nel mais à la norme juridique ».
     Ainsi fonde-t-il toute sa réflexion sur le Droit et la juris­pru­dence élabo­rés depuis 1945 et pré­ci­sés par les tri­bu­naux sur les crimes en You­go­sla­vie et au Rwanda notam­ment. La défi­ni­tion offi­cielle d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité et d’un géno­cide lui per­met de tirer des conclu­sions très nettes. Oui, il y a eu d’innombrables crimes de guerre en Vendée organi­sés grâce à la loi du 19 mars 1793 qui met hors-la-loi (et de l’humanité) les Ven­déens et qui auto­rise contre eux toutes les actions jusqu’aux mas­sacres des pri­son­niers ou des bles­sés dans les hôpi­taux et les pires per­fi­dies dans les com­bats menés contre eux.
Oui, il y a eu crime contre l’humanité, c’est-à-dire « une attaque géné­ra­li­sée ou sys­té­ma­tique contre toute une popu­la­tion civile » faite de meurtres, de viols, de tor­tures, de dépor­ta­tions, orga­ni­sée par les lois du 1er août et du 1er octobre 1793. Jacques Vil­le­main affirme même que les Ven­déens exis­taient bel et bien en tant que groupe social (des pay­sans) et reli­gieux (catho­liques réfrac­taires). C’est un point cru­cial contre ceux qui nient le géno­cide en arguant de l’inexistence d’un « peuple » ven­déen. De toute façon, rapporte-t-il, « la seule chose qui importe en matière de géno­cide est moins ce que l’on est que ce que le géno­ci­deur croit qu’on est. »
Car il y a bien eu géno­cide. Pour l’auteur, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Toute l’action répres­sive menée, au moins 
à par­tir de janvier 1794, si ce n’est l’automne 1793, en porte la marque. Les textes de Turreau, de Lequinio ou de Car­rier établissent juri­di­que­ment la nature de leurs crimes. Vil­le­main explique dans des pages lumi­neuses qu’en matière de Droit la façon dont on tue les vic­times ne compte pas pour défi­nir un géno­cide (gaz, machette, poi­son, famine), pas plus que le nombre de morts ou le fait de caté­go­ri­ser les vic­times (les hommes seuls ciblés) ou l’absence d’idéologie (d’autant qu’il en existe une à l’œuvre en Ven­dée, celle de la régé­né­ra­tion de l’humanité).
Rien que le mas­sacre des Lucs-sur-Boulogne suf­fi­rait à qua­li­fier l’entreprise de Turreau de géno­cide. La com­pa­rai­son avec la Shoah n’a, argu­mente Jacques Vil­le­main, aucune valeur car dans ce cas il aurait été impos­sible de qua­li­fier de géno­cide les crimes au Rwanda ou à Srebrenica.
L’auteur dresse ensuite un réqui­si­toire pré­cis contre trois acteurs majeurs du géno­cide : Tur­reau à la tête d’une chaîne de com­man­de­ment impla­cable mais cou­vert par le Comité de Salut Public ; Car­rier, tout sauf fou ; et Robespierre, l’idole de la gauche, qui ne laisse aucune trace de ses ordres mais qui domine le tout-puissant Comité dont les déci­sions étaient col­lé­giales, ce qui rend tous ses membres res­pon­sables. Les « petits bouts de papier » trou­vés par Reynald Sécher consti­tuent bien des ordres d’extermination, même si Jacques Vil­le­main reste pru­dent pour la période pré­cé­dant jan­vier 1794.
Ce livre est donc fon­da­men­tal. Il apporte la pièce man­quante au dos­sier ven­déen, celle du Droit. Désor­mais, plus aucun doute n’est per­mis. Un crime de géno­cide a bien été per­pé­tré contre les Vendéens.
Fréderic le Moal

Jacques Vil­le­main, Ven­dée, 1793–1794. Crime de guerre ? Crime contre l’humanité ? Génocide ? Une étude juridique, Les éditions du Cerf, février 2017, 305 p. — 24,00 €.

Extrait de litteraire.com http://www.lelitteraire.com/?p=28088









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