Entretien au mensuel La Fugue
“Je crois plus en la Providence qu’en l’homme providentiel” - Prince Louis de Bourbon, Duc d’Anjou
INTERVIEW - Alors que les élections présidentielles approchent et que le climat politique est de plus en plus effervescent, le Prince Louis de Bourbon a accepté de répondre à nos questions et de nous livrer la vision politique qu’il défend. Héritier de la monarchie capétienne, le Prince incarne un projet authentique et résolument transcendant ; il offre un regard neuf sur la res publica.
LA FUGUE : Quel héritage doit assumer le chef de la Maison de France au XXIe siècle ?
L. DE BOURBON : Celui des quinze siècles de l’histoire de France : c'est-à-dire de sa continuité comme nation souveraine dont l’essentiel de la destinée, près de treize siècles, a été réalisé sous le règne des différentes dynasties qui ont progressivement constitué le pays et mené à son apogée.
Incarnez-vous, au-delà de l’héritage culturel et historique, un véritable modèle politique? Vous qualifieriez-vous “d'homme politique” ?
Comme héritier de La royauté française, nul ne doute que j’incarne un modèle politique. C’est pour cela que jusqu’aux années 1950, la république imposait l’exil aux chefs de Maison. Il y avait un rejet idéologique de ce modèle.
Ainsi en assumant, comme mes prédécesseurs, cette place de successeur légitime je suis un « homme politique »… Mais encore faut-il s’entendre sur le terme homme politique. En royauté l’homme politique est celui qui est au service de son pays, qui l’incarne dans la durée. Le roi, parce qu’il était sacré, n’exerçait pas seulement une fonction de gestion des hommes et des choses, mais d’abord un service dû à ceux qu’il dirigeait. Cet aspect religieux était très important puisqu’il garantissait les dérives notamment celles menant à la tyrannie qui est l’exercice du pouvoir pour les seules fins de celui qui l’exerce.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres hommes politiques ?
Ma liberté. Je ne dépends de personne ni d’aucun groupe. C’est l’hérédité qui m’a désigné c’est-à-dire quelque chose qui échappe totalement au commerce des hommes et aux combinaisons politiciennes. C’est la Providence qui fait qu’on est roi ou chef de Maison. Cela donne une légitimité qu’aucun autre pouvoir ne peut avoir. C’est cela la souveraineté.
Quelles sont vos différentes responsabilités à l’heure actuelle et vos engagements dans la société ?
J’ai des responsabilités familiales, celles d’un père de famille qui avec son épouse, est soucieux d’élever ses quatre enfants en leur transmettant des valeurs afin que, devenus adultes, ils puissent eux même continuer la longue chaîne de la vie qu’incarne toute famille. Complément de ces responsabilités familiales, j’en ai d’autres qui sont professionnelles. Il me semble essentiel en effet que tout chef de famille puisse subvenir aux besoins des siens. Dans le prolongement de ces responsabilités, j’essaye d’avoir aussi des activités sociales notamment vis-à-vis des plus pauvres et j’encourage mes enfants à avoir cette attention aux autres.
Enfin j’assume mes engagements dynastiques en participant comme successeur légitime des rois de France à de nombreuses cérémonies de tous ordres auxquelles je suis convié notamment par les différentes autorités religieuses, politiques, culturelles, économiques. Ce rôle de témoin me parait essentiel car c’est ainsi que la tradition monarchique peut s’inscrire dans la durée et rester un espoir pour demain.
Existe-t-il une figure dans l’Histoire de France qui vous a particulièrement aidé à incarner l’idéal monarchique ?
La question n’a pas grand sens car les « figures » ne sont pas les mêmes selon les circonstances. En treize siècles de royauté comment ne pas voir de multiples figures depuis Clovis qui a baptisé la dynastie et la France jusqu’à Louis XVI, le roi-martyr, en passant par Jeanne d’Arc, la patronne de la légitimité ?
Mais ceci rappelé, la figure de deux souverains demeure pour moi comme celle de deux témoins essentiels, Saint Louis et Henri IV. Le premier est le modèle par excellence des rois puisqu’il a su totalement mêler ses devoirs vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis des hommes. Pas simple pour un « homme politique » de faire du décalogue son « programme » sans tomber dans les excès d’une théocratie… Le second, dans de toutes autres circonstances, est celui qui par son charisme a restauré l’harmonie et la paix dans le royaume ravagé par 30 ans de guerres civiles. Ce sont deux figures complémentaires… mais il y en a bien d’autres.
Quelle définition donneriez-vous de l’homme providentiel ?
Celui qui arrive au bon moment… Mais je crois plus en la Providence qu’en l’homme providentiel.
La dimension providentielle peut-elle provenir d’un engouement populaire ou est-elle nécessairement fondée sur l’autorité divine ?
Comme le dit Saint-Paul, il n’y a pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu.
Peut-on dire que les rois, en tant que personnes sacrées et tenant leur autorité de droit divin, sont, par essence, des “hommes providentiels” ?
Ne l’ont-ils pas tous été ?
Dernièrement vous écriviez, évoquant la proximité des élections présidentielles : “N’est-ce pas le moment de placer la barre plus haut ? Qu’est-ce qui sera le bon et le bien pour la France et les Français de demain ? sur le long terme. Voir juste et voir loin”. Voyez-vous en la monarchie le seul régime capable de proposer une telle solution ?
Montrez-m’en d’autres ?
Mais que l’on s’entende bien, je parle plus volontiers de royauté « à la française » c’est-à-dire fortement ancrée sur son territoire (le pré-carré) et le service des hommes, mais couronnée par Dieu par le sacre, que de monarchie, régime d’un seul qui peut être exercé à des fins personnelles…
Quelles réponses la monarchie pourrait-elle apporter aux crises multiples qui fracturent notre société ? crise sociale, économique, politique, écologique, religieuse, etc.
Avant les réponses, au pluriel et selon les conjonctures du moment, il y aurait surtout un changement d’optique. Remettre la société à l’endroit en recréant une société finalisée. Les fractures de notre société viennent de causes profondes qui sont nées d’un abandon des fondamentaux qui garantissent la vie sociale au profit de fausses idéologies délétères. Ce qui fait du mal à la société c’est l’individualisme et le relativisme. Il n’y a plus ni bien, ni vrai, ni juste. La confusion règne partout et la notion de bien commun a cédé la place à la primauté donnée aux intérêts individuels ou communautaristes.
Selon vous, de quel mal souffre le plus la France de nos jours ?
Que ses élites aient perdu le sens du réel et de leur devoir vis-à-vis de la collectivité.
Pour se relever, la France a-t-elle besoin d’un homme providentiel ?
Chaque Français peut contribuer à être l’homme providentiel dès lors qu’il assume ses devoirs d’état, vis-à-vis de sa famille et de son pays. Il y a une conversion de tous qui est nécessaire. Aide- toi et le Ciel t’aidera. N’inversons pas les rôles.
Le risque lié à l’attente de l’homme providentiel, n’est-il pas de tomber dans un attentisme stérile ?
Ni Saint Louis, ni Henri IV n’ont attendu l’homme providentiel. Ils ont mis leur énergie au service de leur royaume.
Que diriez-vous aux jeunes qui veulent s’engager pour le bien commun aujourd’hui ?
N’ayez pas peur ! Allez-y.
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