03/04/2017

Conférence de Jacques Villemain au Mesnil-en-Vallée, réaction de Rémi Moalic

Réaction de Rémi Moalic

Le 18 mars dernier, j’ai eu l’honneur d’assister au Mesnil en Vallée, à la conférence de Monsieur Villemain, organisée par l’association Vendée Militaire, sur la question du génocide vendéen.
J’en profite alors en préambule pour saluer son excellent travail d’approche juridique, la clarté de son étude mais aussi ses grands talents d’orateur qui ont su nous maintenir attentifs tout le long de la présentation.
En fin de conférence un temps d’échange avec Monsieur Villemain sous forme de questions /réponses nous a été proposé.
C’est bien sûr sans surprise que les mains se levèrent en nombre et n’ayant pas eu l’opportunité de m’exprimer je viens ici soulager autant que faire se peut ma frustration.

C’est précisément sur l’affirmation de ne pouvoir incriminer la République que s’arrête mon attention.
En effet, il n’y a que les belligérants de cette même République qui peuvent être reconnus coupables d’exaction. Citons pour les plus notables Robespierre, Turreau, Carrier …
Monsieur Villemain nous fait justement remarquer que la République n’est qu’un cadre, et du fait qu’elle ne soit qu’un cadre il serait alors impossible de la faire comparaître devant un tribunal, précisant que seules des personnes physiques ont la possibilité d’être jugées.
Alors, il serait de bon aloi de penser que celle-ci ne peut être remise en cause…
Pour simplifier, il prit pour image un tableau avec son cadre et sa toile, en expliquant qu’il est possible de juger ou d’apprécier le contenu, donc la toile, mais le cadre lui, ne reste qu’un support.
Cela étant dit, si nous partons du principe que des criminels ou des terroristes sont, au moins en partie, à la genèse d’un cadre qui leur sera favorable, n’avons-nous pas tout intérêt à nous interroger sur la légitimité de ce cadre et de nous évertuer à comprendre ses mécanismes ?
Prenons pour exemple le club des Jacobins, avec Robespierre, lui qui fût l’un de ses membres les plus éminents pour ne citer que lui. Ce club n’a t’il pas été un organe de pensées puis de pression qui a joué un rôle prépondérant en faveur du Comité de salut public ?
La République se définit comme un modèle de contradiction et de libération face au modèle monarchique. Elle se distingue de ce dernier, en faisant élire ses responsables politiques par suffrage universel. Responsables politiques membres de partis tels que les Montagnards, les Girondins ou encore les Thermidoriens pour les plus influents.
Dans la structure même de la Première République, qui puise ses origines dans la convention, ne retrouvons-nous pas, dans cette période que fût La Terreur, les mêmes acteurs tels que Robespierre par exemple ?

Risquons-nous maintenant à un parallèle avec des exemples contemporains.
Pourquoi ne comparons-nous pas un mouvement tel que celui de Daesh à celui de notre chère République ?
En effet, l’un se définit à travers des valeurs et des principes issus de la Charia, quand l’autre s’inscrit sur des idées et des dogmes tels que Les Droits de l’Homme (émanation des Lumières), la Liberté, l’Egalité et la Fraternité !
Tous deux n’ont-ils pas pour vocation de convertir les esprits ?
En terme d’ampleur et de violence, Daesh aujourd’hui est-il si différent de la République française de 1793 ?
Prenons encore les régimes communistes qui sont désignés par nos républiques comme réducteurs et autoritaires, alors qu’ils semblent l’un comme l’autre traîner les mêmes casseroles, les mêmes crimes, les mêmes Staline, les mêmes Mao, les mêmes Turreau….
Une chose est certaine, la République a su s’imposer de façon durable… ! Là encore, posons-nous la question : par quel moyen ?
Des moyens de réseaux, à commencer par le club des Jacobins ou celui des Franc-maçons ; mais aussi des moyens intellectuels de propagande. L’Europe fût inondée de livres révolutionnaires faisant la promotion des Lumières, et cela bien des années avant la Révolution. Dans ses mémoires pour servir l’histoire du jacobinisme, l’Abbé Barruel nous le démontre très bien…
Alors cette question me vient… Le cadre républicain n’a t’il dans le fond vraiment aucune responsabilité ?
Pour ma part, j’ai l’audace de penser que la République française n’est pas plus légitime qu’un régime autoritaire voire terroriste…
Si un cadre ne peut être jugé, alors, ne peut-il pas être dissout… ???


Réponse de Jacques Villemain 

Bonsoir Monsieur,

Je vous remercie de m'avoir communiqué le texte de M. Moalic. Il pose une question parfaitement valide, mais je me permets cependant de la trouver mal dirigée et aimerais m'en expliquer en deux mots.


Mon travail est purement juridique. Or le droit pénal ne permet d'inculper que des personnes. Au risque de surprendre voire de choquer, je rappellerai que le tribunal de Nuremberg n'a pas condamné "Le IIIème Reich" qui d'ailleurs ne faisait pas partie des accusés : dans le box des accusés on n'a mis que des responsables politiques ou militaires accusés de crimes dans le cadre de ce régime : Göring, Keitel etc. Uniquement des personnes physiques.


Est-ce à dire qu'il serait illégitime de dire que le IIIème Reich n'était pas un régime criminel ? Evidemment non ! mais cette affirmation n'est pas une affirmation juridique, c'est une affirmation politique. Or mon travail n'est pas un ouvrage de science politique, mais "une enquête juridique" comme j'ai tenu à ce que soit mentionné sur la page de titre. Je me devais donc de rester dans le cadre strict du droit pénal international et ce système d'analyse ne permet pas de mettre en accusation un régime politique en tant que tel, mais seulement des personnes physiques.

Si on veut se placer sur un plan d'analyse politique je ferai observer 1) que le régime de 172-1794 est un régime anticonstitutionnel : né de l'insurrection d'août 1792, il déchire la Constitution de 1791. 2) ce n'est pas un régime que nous considèrerions aujourd'hui comme démocratique : aux élections dont est issue la "Convention Nationale" il y a aura près de 90% d'abstentions. Ces élections se déroulent dans des conditions qui ne feraient pas regarder aujourd'hui ce scrutin comme démocratique (le vote n'est pas secret, le scrutin se déroule dans le climat de terreur qui suit les massacres de septembre 1792, les pressions sur les électeurs sont constantes et générales etc.) 3) le gouvernement de salut public de 1793-1794 peut sans doute être considéré comme une simple "dictature terroriste" (d'ailleurs le mot "terroriste" entre dans le vocabulaire français précisément pour désigner les partisans du gouvernement de Terreur); mais évidemment il faut aussi tenir compte du contexte. 4) certains historiens comme François Furet voient dans cette période peu ou prou la matrice de ce qui deviendra au XXème siècle le totalitarisme, ce qui n'est pas rien. C'est en tous cas un régime qui est incapable de penser le débat démocratique avec une majorité et une opposition dont les droits doivent être respectés. Les opposants au gouvernement sont qualifiés de contre-révolutionnaires et promis à la mort purement et simplement.

Ce régime, certes, s'appelle "République". C'était aussi le cas du régime soviétique hier (Union des Républiques socialistes et soviétique) et le régime nord-coréen aujourd'hui se qualifie aussi de "République". C'est un mot qui couvre des réalités fort différentes, voire étrangères les unes aux autres. Lorsque M. Moalic parle de "notre chère République" ou de "la République" dans son texte, je suppose qu'il se réfère au régime de 1793-94. Je serais surpris qu'il parle de la République actuelle (la Vème République) qui n'a à mon sens rien à voir avec celle de 1793-94. Toutes les républiques ne sont pas des dictatures ou des régimes terroristes de même que toutes les monarchies ne sont pas celle de Caligula ou de Gengis Khan. Quoi qu'il en soit la question que soulève M. Moalic est une question politique, pas une question juridique. Elle n'entre donc pas dans le cadre de mon étude.

C'est pourquoi, tout en comprenant la "frustration" de ce Monsieur, que je salue et remercie d'avoir bien voulu assister à la conférence que vous avez eu l'amabilité et le talent d'organiser, je crains de ne pas pouvoir faire grand-chose pour l'apaiser. J'espère seulement qu'il pourra accepter les raisons que je donne ci-dessus et ne pas m'en vouloir.


Je saisis l'occasion de ce message pour vous renouveler, Monsieur, les assurances de ma considération distinguée.

Jacques Villemain.


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