01/10/2015

LES CARTES POSTALES ANCIENNES ET LES GUERRES DE VENDEE III

            Nous poursuivons aujourd’hui, par le troisième volet, la série d’articles entreprise au début du mois de septembre.
        Celle-ci a pour but d’évoquer tout ce que les cartes postales, datant du début du XX° siècle, pouvaient apporter à l’Histoire en général et plus particulièrement à celle des Guerres de Vendée.
- Les Cartes Postales anciennes permettent l’identification d’objets :
               Pour exposer ce sujet nous allons nous servir d’un exemple, celui du contre-cœur dit de la Duchesse de Berry. Mais avant d’y parvenir, nous allons être contraints de vous rappeler un événement qui appartient non seulement à notre Histoire locale mais aussi à l’Histoire de France. 
C.P. M.B (reproduction interdite)
       Après l’abdication du Roy de France Charles X, puis celle de son fils le duc d’Angoulême (Louis XIX), sa belle fille Marie Caroline de Bourbon des Deux Siciles veuve du Duc de Berry, devint théoriquement Régente du Royaume pendant la minorité de son fils Henri futur comte de Chambord (Henri V).
   Ne voulant à aucun prix laisser le trône de son fils à un usurpateur, le nouveau roi des Français, Louis Philippe Ier, arrivé au pouvoir dans des conditions assez spéciales, Marie Caroline se décida à soulever le pays. Elle se basait sur l’accueil enthousiaste qu’elle avait reçu en 1828 et sur des rapports de la situation trop flatteurs et trop optimistes. Après un premier échec à Marseille le 30 avril 1832, elle vint en Vendée dans le même objectif, persuadée de la fidélité de la région. Malgré l’extrême héroïsme de ses partisans et leur sacrifice, le soulèvement fut à son tour un échec.

C.P. M.B (reproduction interdite)
   La Duchesse de Berry, déguisée en paysanne, entra en cachette à Nantes le 9 juin 1832, en compagnie de Mademoiselle Stylite de KERSABIEC. Elle fut reçue tout d’abord chez les parents de cette dernière. Elle s’installa peu après dans une maison voisine, 3 rue haute du château (aujourd’hui place Marc Elder), chez les demoiselles Marie-Louise et Pauline de GUINY. Pour ne pas attirer les soupçons, elle habitait dans une chambre mansardée au deuxième étage. Elle devait y rester sans problème pendant près de cinq mois, dirigeant son « gouvernement » et sa correspondance avec l’Europe depuis sa mansarde. La garnison de Nantes était sur les dents et le gouvernement de Louis Philippe prêt à tout pour la capturer. A Paris, le ministre de l’Intérieur Adolphe THIERS fut contacté par un certain DEUTZ, israélite récemment converti, qui lui promit de la retrouver contre le versement de la somme énorme de 500.000 Francs or (certains disent même un million). Comme la duchesse de Berry lui avait déjà donné quelques missions par le passé, il espérait bien entrer dans sa confidence. Il rencontra S.A.R la Duchesse le 28 octobre 1832; mais il revint persuadé que cette maison n’était pour elle qu’un lieu de passage. Il intrigua donc pour obtenir une nouvelle rencontre le 6 novembre. Persuadé cette fois-ci d’être au bon endroit, il quitta la maison vers 17 heures; et peu de temps après, la rue fut remplie de soldats.
          La Duchesse eut le temps d’entrer dans une petite cachette qui avait été pratiquée derrière le contre-cœur de la cheminée, la plaque de fonte proprement dite servant de porte. Elle se trouvait ainsi dans ce local très exigu en compagnie de Mlle de Kersabiec, de l’avocat GUIBOURG et du comte de MESNARD. Après avoir fouillé et perquisitionné en vain toute la maison, la troupe se retira. Mais elle laissa sur place deux sentinelles qui s’installèrent dans la mansarde du 2eme étage.
C.P. M.B (reproduction interdite)
         A minuit, les soldats firent du feu dans la cheminée puis s’endormirent. Le lendemain matin, 7 novembre 1832 à 8 heures, ils rallumèrent un feu plus important. A l’intérieur de la cachette la situation devint épouvantable. Les quatre personnes étaient enfermées dans une totale promiscuité, dans ce local très étroit, depuis déjà plus de quinze heures. La chaleur devenait intolérable, la fumée les faisait suffoquer, le feu prenait dans les robes. Un bruit attira l’attention des soldats et ils furent ainsi découverts vers 9 h 30.
         La duchesse de Berry fut tout de suite incarcérée à proximité, au château des Ducs à Nantes, puis transférée ensuite à la forteresse de Blaye. Deutz, pour sa part, avait rejoint Paris pour toucher le prix de sa trahison (violemment fustigée par Victor Hugo et condamnée par la plupart des cours européennes). Le ministre chargea son Secrétaire Général DIDIER de le recevoir. Ce dernier, en signe de mépris, lui remit les deux énormes liasses de billets par l’intermédiaire des pinces du foyer. 
        Les quatre premières cartes postales, qui nous servent à illustrer cet article, ont été éditées vers 1905 environ, par des photographes différents. Elles racontent d’ailleurs assez bien les événements. La première, réalisée par CHAPEAU à Nantes, nous présente la façade de la maison au numéro 3 rue haute du château.
      La seconde est une photographie anonyme d’un dessin de l’époque montrant le plan et l’aspect de la mansarde en 1832. La troisième, œuvre de FREULON à Beaupréau, reproduit un dessin célèbre représentant la duchesse et ses compagnons sortant de la cachette au milieu des soldats.
       Enfin la quatrième, éditée par ARTAUD-NOZAIS à Nantes, est un cliché de la cheminée de la mansarde avec le petit réduit et la fameuse plaque fermant la cachette.
C.P. M.B (reproduction interdite)

          Si l’histoire vendéenne de la Duchesse de Berry s’est arrêtée là, il n’en a pas été de même de celle du contrecœur de la cheminée. On devine à la quatrième carte postale que la cheminée, la cachette et la plaque faisaient quasiment l’objet d’un culte, à la fin du XIXème siècle, parmi les royalistes légitimistes.
           Or, vers 1920, le photographe nantais Chapeau édita une nouvelle carte postale qui présentait comme authentique une autre plaque totalement différente de la précédente. Nous pouvons voir cette dernière sur le cinquième cliché.
          Autant que l’on puisse en juger sur la photo, elle semble bien dater de la fin du XVIIIème siècle. Elle est enchâssée au dos d’un petit meuble servant de table. On aperçoit sur le mur, derrière elle à gauche, un cadre contenant le dessin original de la mansarde (cf CP N° 2). Une mention manuscrite au crayon sur le côté droit de la carte indique qu’elle se trouvait alors à Olonne-sur-mer en Vendée chez le colonel de Guiny. 
C.P. M.B (reproduction interdite)
   De ces indications, on peut en déduire qu’à la mort des demoiselles de Guiny un de leurs héritiers tint vraisemblablement à conserver la plaque originale dans la famille et la remplaça par celle qui se trouve aujourd’hui dans la maison de Nantes (et qui apparaît, elle, comme étant de style néo Louis XV).
    Personnellement, nous ne savons pas si, aujourd’hui, la plaque authentique se trouve encore à Olonne-sur-Mer. Quoi qu’il en soit, il est indéniable qu’un éditeur de cartes postales a permis l’identification d’un objet. Il a ainsi fait progresser la connaissance; il a surtout facilité la tâche des chercheurs en leur évitant une erreur regrettable.


Chantonnay le 30 IX 2015
Maurice BEDON

3 commentaires:

  1. Renée Bordereau01 octobre, 2015 20:50

    Merci, Monsieur Bedon, pour ce nouvel article passionnant.
    Quelle magnifique manière de (re)découvrir l'Histoire que de le faire avec des cartes postales anciennes, témoins de documents aujourd'hui disparus. Cela permet de vivre l'Histoire avec encore plus d’intensité !
    Gageons que nombre de jeunes, réticents devant les manuels un peu poussiéreux, seront gagnés par la fièvre de la découverte grâce à ce moyen captivant.
    Toutes mes félicitations !

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  3. Merci Renée Bordereau pour ce commentaire élogieux et parfaitement justifié. M. Maurice Bedon est une véritable chance pour notre association.

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